Des serveurs informatiques (Photo : FRANK PERRY) |
[02/03/2010 15:24:20] KARLSRUHE (Allemagne) (AFP) La Cour constitutionnelle allemande a exigé mardi que soient effacées toutes les données relatives aux télécommunications des citoyens, amassées depuis 2008 dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et la criminalité.
Les juges siégeant à Karlsruhe (sud-ouest de l’Allemagne) ont estimé que le stockage de ces données était anticonstitutionnel dans sa forme actuelle. Ils n’ont cependant pas remis en cause une possible conservation future de ces données, prévue en application d’une directive européenne sur la lutte antiterroriste.
Ils ont seulement exigé que le gouvernement revoie l’application de la loi pour veiller à une meilleure protection des données privées.
Depuis 2008, les opérateurs de télécommunication sont tenus de garder trace pendant six mois de la date de chaque coup de téléphone, de l’heure, de l’identité de l’appelant et de l’appelé ainsi que la localisation de l’interlocuteur dans les cas de téléphones portables. Le contenu des conversations n’est pas sauvegardé.
Et depuis 2009, chaque connexion à internet est enregistrée mais les sites visités ne sont en revanche pas recensés.
Le stockage des données constitue “une atteinte particulièrement grave au secret des communicateurs” parce qu’il permet de tirer des conclusions “jusque dans la vie privée” des citoyens, ont estimé les juges.
Dans sa forme actuelle, il est susceptible de “susciter un sentiment diffus et menaçant d’être observé”, ont-ils souligné.
Ils ont toutefois estimé que ces données étaient “d’une importance capitale pour des poursuites pénales efficaces et contre les dangers” de la grande criminalité.
Les législateurs sont appelés à dire clairement que les données téléphoniques fichées ne seront utilisées que lors de poursuites judiciaires pour délits graves.
Les citoyens doivent être informés de l’utilisation de leurs données et les coûts liés à la protection des données doivent incomber aux entreprises de télécommunications, ont souligné les magistrats.
La législation sur le stockage des données a suscité de vives critiques dans un pays où, depuis le nazisme, la crainte d’un Etat policier reste vive.
Le ministre de l’Economie Rainer Brüderle a estimé que la décision de la cour apportait “plus de liberté aux citoyens” mais qu’il fallait veiller à ce que la prochaine formulation de la loi “ne pèse pas plus que nécessaire sur la branche des télécommunications”.
La fédération allemande du secteur, Bitkom, a appelé le gouvernement à prendre en charge les coûts relatifs au stockage des données, affirmant y avoir “investi plus de 100 millions dans le personnel et la technique”.
La cour constitutionnelle avait déjà restreint en 2008 l’application de cette loi controversée qui a fait l’objet d’un recours déposé par plus de 30.000 personnes devant les juges de Karlsruhe.
Après la décision de la cour mardi, l’organisation à l’origine de ce recours constitutionnel massif a réclamé “la levée du stockage des données dans toute l’Europe”.
Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, qui elle même faisait partie des plaignants avant sa nomination au poste de ministre de la Justice, s’est déclarée satisfaite du verdict de la cour. Elle a ajouté que le gouvernement devait prendre le temps de la réflexion avant de soumettre de nouvelles propositions.
Les syndicats de la police ont pour leur part estimé que la décision de la cour constituait “une gifle aux législateurs” pour leur “formulation brouillonne” de la loi.