ésidente argentine Cristina Kirchner , le 1er mars 2010 à Buenos Aires (Photo : Pablo Martinez Monsivais) |
[17/03/2010 08:46:50] BUENOS AIRES (AFP) L’Argentine, dont le prix de la célèbre viande a augmenté de 40% en deux mois, est frappée par une inflation qui menace, selon les analystes, de devenir incontrôlable.
Le taux d’inflation au cours de deux premiers mois de l’année a été de près de 5% selon les analystes indépendants et de 2,2% selon le très controversé Institut national des statistiques (INDEC), soupçonné par les associations de consommateurs et les économistes d’être manipulé par le gouvernement.
La croissance devait être de retour en 2010 dans le pays avec un taux de 4 à 6% après la récession due à la crise, mais les économistes conditionnent toute reprise à une inflation sous contrôle.
Or, la hausse brutale des prix s’est déjà traduite par une baisse de la consommation de viande rouge de près de 20% en janvier par rapport au même mois de 2009 (59 kg par habitant et par an, au lieu de 73 kg).
Le gouvernement avait réussi à préserver une viande bon marché, aliment de base dans ce pays sud-américain, en limitant les exportations au grand dam des éleveurs. Ces limitations ne suffisent plus.
Mme Kirchner a accusé les fortes pluies qui auraient poussé les producteurs depuis le début de l’année à garder plus longtemps leurs bêtes pour qu’elles s’engraissent et leur rapportent plus d’argent.
La sécheresse record de 2009, qui a frappé cruellement un cheptel d’environ 55 millions de têtes en le réduisant de plusieurs millions, a également eu un effet certain sur les prix.
Mais la hausse du prix de la viande n’est que la partie la plus visible et symbolique d’une envolée tous azimuts.
“Le gouvernement est assis sur une bombe à retardement appelée inflation”, dit Nicolas Salvatore, de l’institut Buenos Aires City (BAC).
Les instituts privés avaient contesté le chiffre officiel pour 2009 (7,7%), estimant que les prix avaient augmenté de 15 à 17%, soit la plus forte hausse dans la région après le Venezuela (+25,1%).
Même la Confédération générale du travail (CGT), alliée du gouvernement de Mme Kirchner, a décidé de ne plus baser ses revendications salariales sur l’indice officiel.
“L’inflation qui m’intéresse, c’est celle du supermarché”, a résumé son responsable, Hugo Moyano, l’un des principaux soutiens d’un gouvernement qui a perdu la majorité dans les deux chambres.
L’Association des employés de banque a signé cette semaine un accord salarial basé sur un ajustement de 23,5% en 2010, alors que le gouvernement prévoit une inflation annuelle de 6%.
“Elle sera bien au-dessus de 20%”, dit Mariano Lamothe, de Abeceb.
L’inquiétude est d’autant plus grande que cette envolée intervient en pleine crise de la Banque centrale, dont le président Martin Redrado a été poussé à la démission pour avoir refusé de puiser dans les réserves pour payer la dette qui arrive a échéance en 2010.
La nouvelle responsable, Mercedes Marco del Pont, une fidèle du gouvernement de Mme Kirchner, estime que la Banque centrale doit être un acteur du développement et ne pas se limiter à la lutte contre l’inflation.
“Sans politique monétaire, on risque de retourner au chaos des années 80”, dit l’économiste Miguel Angel Broda.
Le président Raul Alfonsin (1983-1989) avait dû quitter le pouvoir six mois plus tôt car il ne parvenait plus à contrôler une inflation annuelle supérieure à 3.000%.
Carlos Heller, dirigeant de l’Association des banques publiques et privées, allié du gouvernement, estime néanmoins qu'”une partie des réserves peut servir à financer le développement”.
L’ancien président de la Banque centrale Javier González Fraga, en revanche, pense qu’un pays à fort taux d’inflation “n’a ni crédit à long terme, ni projets à financer”.