é de poissons en gros de New York, dans le Bronx, le 12 mars 2010 (Photo : Emmanuel Dunand) |
[18/03/2010 15:53:48] DOHA (AFP) La conférence de la CITES a refusé jeudi d’inscrire le thon rouge d’Atlantique Est sous sa protection et renvoyé son avenir à la gestion des pêcheurs, comme le souhaitait le Japon.
Par une large majorité (68 voix, contre 20), les Etats parties à la Convention internationale sur le commerce des espèces sauvages menacées (CITES) ont rejeté une proposition de Monaco qui lui aurait permis de suspendre les exportations de cette espèce à haute valeur commerciale, particulièrement prisée sur le marché japonais.
La proposition européenne, qui prévoyait un délai avant la mise en oeuvre de la mesure (inscription à l’Annexe I de la Convention), a également été massivement rejetée (72 voix, contre 43).
Le secrétariat de la CITES avait envisagé la mise en place d’un groupe de travail jusqu’en début de semaine prochaine avant de rapprocher les points de vue divergents, ce qu’aurait souhaité Monaco mais aussi la Norvège et les Etats-Unis.
Mais l’intervention de la Libye, soutenue par le Soudan, a court-circuité toute possibilité d’amendement et de discussion en réclamant de passer immédiatement au vote.
“Je regrette un débat avorté et de n’avoir pu répondre à certaines contre-vérités énoncées”, a indiqué Patrick van Klaveren, chef de la délégation de Monaco. “La majorité des pays a décidé de faire confiance à l’ICCAT”, la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, qui réunit les pays pêcheurs.
“Ils ont jugé qu’elle avait tous les éléments pour résoudre le problème. Qu’elle le montre!”, a-t-il ajouté. “Sinon, ce n’est pas la CITES qui ruinera les professionnels, mais la nature qui enverra une sanction sans appel”.
Devant la conférence, M. Van Klaveren avait rappelé qu’en 1992, une proposition similaire de la Suède avait été retoquée et la gestion des stocks de thon rouge confiée à l’ICCAT: “Le résultat est que la capacité de reproduction du stock est passée de 200.000 tonnes à 60.000 en moins de 20 ans, que la taille des thons a été divisée de moitié (…) et que la pêche illicite a été multipliée par trois”.
Monaco insistait sur le fait que sa proposition se fondait sur les travaux scientifiques de la FAO, l’organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation, et des scientifiques de l’ICCAT eux-mêmes.
“Cette espèce, insistait-il, n’est pas pêchée pour satisfaire les besoins alimentaires des populations mais pour alimenter un marché hautement spéculatif” – un seul beau spécimen avait atteint 120.000 euros cet automne à Tokyo.
De son côté, le représentant japonais Masanori Miyahara a estimé que la CITES n’était pas le bon outil pour gérer les stocks de thon: “Faisons notre boulot avec l’ICCAT, pas la CITES”, a-t-il lancé, assurant qu’il serait “presqu’impossible” par la suite de lever l’interdiction du commerce.
Le Japon a été accusé de conduire un lobbying effréné, ralliant de nombreux pays en développement qui ont défendu le rôle prioritaire de l’ICCAT jeudi.
Grenade, dans les Caraïbes, a déclaré craindre pour “sa sécurité alimentaire” et le Sénégal, comme la Namibie, a redouté que d’autres espèces de thon ne soient à leur tour inscrites à la CITES.
“C’est très décevant et très irresponsable”, a commenté Sue Lieberman, directrice des politiques internationales du PEW Environment Group, regrettant que “l’avenir du thon rouge soit renvoyé dans les mains de l’ICCAT”.
Pour Carlos Drews, de l’ONG de défense de l’environnement WWF, “c’est la défaite de cette espèce emblématique. D’autant que l’ICCAT n’a pas montré sa performance dans le passé. On lui avait fait confiance en 1992 et aujourd’hui on est au bord de l’effondrement”.