Les commissions de surendettement, miroir de l’évolution de la société

photo_1269342242520-1-1.jpg
é remplis de produits de première nécessité dans un supermarché à Grigny (Photo : Jean-Philippe Ksiazek)

[23/03/2010 11:04:53] PARIS (AFP) Créées en 1990, les commissions de surendettement ont vu le profil type du surendetté passer du consommateur compulsif à celui du ménage modeste incapable de boucler ses fins de mois, une évolution à l’origine de la réforme souhaitée par le gouvernement.

Rattachées à la Banque de France, ces commissions départementales visent à offrir au surendetté un peu d’air avec un rééchelonnement ou un effacement de ses dettes.

L’an dernier, plus de 192.000 dossiers ont été examinés par les commissions de surendettement, où sont représentés les établissements de crédit, l’administration fiscale et les associations de consommateurs, soit un bond de 15% par rapport à 2008.

Le dépôt d’un dossier permet, en général, de suspendre les procédures de saisie, disposition que souhaiterait institutionnaliser la ministre de l’Economie Christine Lagarde et qui figure dans le projet de loi qu’elle défendra à partir de mercredi devant l’Assemblée nationale.

En revanche, l’enregistrement du dossier ne gèle pas les créances.

“Avec des délais d’instruction qui peuvent atteindre six mois et des taux d’intérêt proches de 20%, ce n’est pas négligeable”, explique Marie-Jeanne Eymery, qui siège à la commission de surendettement de l’Isère.

En vingt ans, le profil du surendetté est passé de l'”actif”, à la consommation frénétique, au “passif”, davantage victime qu’acteur de son surendettement.

photo_1269342066408-1-1.jpg
é du crédit à la consommation depuis 2000 jusqu’à sa chute historique de 2009 (Photo : Francis Nallier)

Les surendettés passifs, que la maladie, le chômage ou la séparation ont fait basculer, forment environ 90% des effectifs vus pas les commissions, selon un membre de la commission resté anonyme.

Une fois le dossier accepté, démarrent les négociations avec les créanciers, qui doivent mener à un plan de remboursement, conclu à l’amiable ou imposé par le juge.

Signe des temps, depuis 2003, une nouvelle catégorie de débiteurs a été incluse dans la loi, ceux dont la situation est jugée “irrémédiablement compromise”.

Ces dossiers, qui présentent une capacité de remboursement nulle, sont orientés vers la procédure dite de rétablissement personnel (PRP), de loin la plus radicale. Toutes les dettes seront effacées, mais le débiteur sera fiché à la Banque de France durant huit ans, ce qui lui interdira de facto de souscrire un nouveau crédit.

Le projet de loi de Mme Lagarde propose de réduire de huit à cinq ans la durée d’inscription au fichier.

Mais, malgré l’effacement total des dettes, nombreux sont ceux qui déposent un nouveau dossier quelques années plus tard, car “structurellement plombés”, selon l’expression d’un membre de commission.

“Ce sont beaucoup de familles monoparentales ou de vieilles dames retraitées et veuves” avec une pension modeste, explique ce membre, citant également des travailleurs à temps partiel subi.

Le taux de “redépôt” atteint ainsi entre 30 et 40%, selon la Banque de France.

“La famille est tellement soulagée que l’on prenne son cas en compte qu’elle accepte des plans trop serrés”, observe Nicole Pérez, administratrice nationale de l’assocation de consommateurs UFC-Que Choisir, qui siège en commission de surendettement.

Elle évoque également des “commissions qui sont sévères et qui ne laissent aucune marge” dans le plan de remboursement, mettant le ménage “à la merci d’un pneu qui éclate ou de lunettes cassées”.

Sans stigmatiser les établissements financiers, Mme Eymery s’inquiète que certains de leurs représentants soient “des petits jeunes aux dents longues qui n’ont jamais connu de difficultés professionnelles”.

“Certains, y compris dans l’administration fiscale, sont à mille lieux de la réalité du terrain”, regrette-t-elle.