Grèce : l’accord éloigne les risques malgré des doutes sur sa mise en oeuvre

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ège de la banque de Grèce, le 23 mars 2010 à Athènes (Photo : Aris Messinis)

[26/03/2010 15:18:27] PARIS (AFP) Le plan d’aide européen à la Grèce éloigne les risques pesant sur ce pays, mais des analystes redoutent que les divisions qui ont émaillé sa négociation ne ressurgissent le jour où il faudrait avoir recours à ces prêts exceptionnels.

“Un défaut de la Grèce est devenu encore plus improbable”, se réjouit Jörg Krämer, de la Commerzbank, résumant le sentiment de nombreux économistes.

Théoriquement, le mécanisme inédit de prêts accordés par les Etats de la zone euro et par le Fonds monétaire international (FMI), annoncé jeudi, a vocation à rester dans les tiroirs bruxellois.

“L’idée, c’est que l’existence de ce mécanisme rassure les marchés, et débouche sur une baisse des taux d’intérêt des obligations grecques”, explique Jésus Castillo, économiste à Natixis. “Il sera alors inutile d’avoir recours à ce plan puisque la Grèce réussira à trouver des financements sur les marchés”.

La première réaction est positive: le coût que doit payer Athènes pour financer ses déficits a nettement diminué vendredi, bien qu’il reste bien au-dessus de celui de ses partenaires de la zone euro.

La Grèce pourrait d’ailleurs en profiter pour faire appel aux marchés, en lançant une émission obligataire, sans attendre la prochaine échéance du mois d’avril, estiment plusieurs économistes.

Ce serait alors le vrai test de l’efficacité de l’accord européen.

Et quand bien même Athènes ne parviendrait pas à réunir les sommes nécessaires, Jürgen Michels, économiste à la Citi, estime que le mécanisme européen “a éliminé le risque d’insolvabilité de la Grèce, ce qui est une bonne nouvelle après l’incertitude des dernières semaines”.

De la même manière, notent les analystes de la Commerzbank, “le plongeon de l’euro par rapport au dollar a été stoppé pour le moment”.

Mais l’accord scellé à Bruxelles, après d’âpres négociations et grâce au compromis franco-allemand, ne dissipe pas toutes les inquiétudes, notamment sur ses modalités d’application.

“Il reste quand même beaucoup de questions, notamment quel taux va être pratiqué, quelle sera la coordination avec le FMI”, constate Laurence Boone, économiste chez Barclays Capital. “Les marchés aiment bien les choses concrètes. Là, il reste beaucoup d’incertitudes sur les détails pratiques”.

Les cas où un pays pourrait avoir recours à cette aide n’ont pas été clairement détaillés. Selon l’accord, la Grèce pourrait en bénéficier “en dernier recours” si elle ne parvenait plus à emprunter à des taux raisonnables.

Pour Jürgen Michels, “comme la définition d’un cas d’urgence est très floue (…) la mise en oeuvre de ces prêts reste très incertaine”. D’autant que les Etats de la zone euro devront donner leur feu vert à l’unanimité, ce qui revient, relèvent plusieurs observateurs, à octroyer un droit de veto à l’Allemagne, très réticente à l’idée de mettre la main au portefeuille.

Chez Goldman Sachs, on souligne en outre qu’une intervention du FMI pourrait impliquer l’adoption par les autorités grecques de nouvelles “mesures draconiennes” alors que leur plan d’austérité budgétaire est déjà dénoncé par les syndicats.

Finalement, pour la plupart des analystes, le salut de la Grèce pourrait venir d’une mesure technique moins médiatisée que l’accord européen, bien qu’annoncée le même jour: la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de prolonger, au-delà de 2010, l’assouplissement des critères imposés aux banques pour qu’elle leur prête des liquidités.

“C’est très rassurant”, insiste Jésus Castillo. “La dette grecque est achetée par les banques. Grâce à cette mesure, les banques pourront, en cas de besoin, s’en débarrasser et retrouver des liquidités. Du coup, la probabilité de recourir au plan de soutien devient moins importante”.