L’offensive contre les banques inapte à corriger la montée des inégalités

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économiste Joseph Stiglitz écoute la ministre française de l’Economie, Chritsine Lagarde, au forum économique de Davos, le 28 janvier 2010 (Photo : Fabrice Coffrini)

[29/03/2010 07:50:04] WASHINGTON (AFP) L’offensive visant les rémunérations dans les banques occidentales apparaît inapte à corriger l’accroissement des inégalités sociales lié à l’essor d’un secteur financier attirant irrésistiblement à lui le capital humain le plus qualifié.

“Une part disproportionnée de nos jeunes les plus talentueux part dans la finance, attirée par le leurre d’une rémunération hors normes”, constatait récemment avec tristesse le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz devant une Commission parlementaire aux Etats-Unis.

Naguère, “nos meilleurs étudiants allaient dans des directions très variées, certains vers la médecine, d’autres vers la recherche, d’autres encore vers la fonction publique ou le monde des affaires”, faisait remarquer cet Américain, professeur d’université.

“Les coûts de la mauvaise distribution” actuelle du capital humain “sont incalculables pour notre société”, avait-il conclu.

Plusieurs études montrent que la sphère financière accapare les talents au détriment des autres secteurs de l’économie où les perspectives de salaire sont moins bonnes.

Le phénomène est plutôt occidental mais, dans un entretien accordé fin 2008 au mensuel américain The Atlantic, le chef du fonds d’investissement public chinois CIC, Gao Xiqing, tenait des propos similaires à ceux de M. Stiglitz, déplorant que le chant des sirènes de la finance “touche aussi (son) pays”.

“La vraie question est celle de la création de valeur et de la répartition de la richesse et de comprendre pourquoi les banques sont assises sur un tel tas d’argent”, estimait récemment un représentant occidental au Fonds monétaire international (FMI).

Mais l’offensive du G20 visant les rémunérations dans la finance ne cherche pas à y répondre.

Les dirigeants de ce groupe de pays avancés et émergents ont promis en septembre d’encadrer la rémunération dans la finance afin de “mettre fin à des pratiques qui ont conduit à une prise de risque excessive” et de “promouvoir la stabilité financière”. Mais ils n’ont pas mentionné les inégalités sociales.

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ès d’une boutique de luxe à Paris, le 16 décembre 2009 (Photo : Thomas Coex)

Les premières mesures prises par Berlin, Londres, Paris ou Washington consistent surtout à aménager la rémunération dans la banque (réduction de la part réglée en espèces, bonus non garantis, en actions incessibles pendant plusieurs années), non à la réduire.

S’il a vilipendé les “banquiers gras” de Wall Street, le président américain Barack Obama a rappelé aussi la position exprimée maintes fois par son gouvernement: pas question que l’État limite les salaires.

L’essor du capitalisme financier à partir des années 1980 s’est accompagné d’un creusement des inégalités dans nombre de pays occidentaux. Selon les chiffres du Bureau du recensement américain, entre 1980 et 2008, le revenu réel médian aux États-Unis a augmenté trois fois moins vite que le revenu marquant le seuil des 5% les plus riches.

En France, les gens se sont enrichis d’autant plus vite qu’ils étaient plus riches de 2002 à 2007, selon des chiffres de l’INSEE.

Fondateur d’un empire industriel et financier dont la banque JPMorgan Chase est l’héritière, l’homme d’affaires américain John Pierpont Morgan (mort en 1913) estimait que l’écart souhaitable des rémunérations au sein d’une entreprise était de un à vingt.

Sachant que le PDG de JPMorgan, Jamie Dimon, pourrait toucher plus de 17 millions de dollars au titre de 2009, il faudrait que le plus humble salarié de la banque ait gagné 850.000 dollars l’an dernier pour que les préceptes du père fondateur soient respectés.