Aux primeurs 2009, les vins bios surfent sur une “lame de fond” mondiale

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à Saint-Emilion (Photo : Jean-Pierre Muller)

[03/04/2010 16:12:47] SAINT-EMILION (Gironde) (AFP) Les vins bios et biodynamiques se sont taillé une part de choix sur le marché des primeurs 2009, à la faveur d’un engouement mondial pour la viticulture sans pesticide, une “véritable lame de fond irréversible” qui semble les mettre à l’abri de la crise.

Au coeur du vignoble de Saint-Emilion, les visiteurs français et étrangers se pressaient à Château Fonroque, grand cru classé, pour déguster le millésime 2009 de 38 propriétés biodynamiques de toute la France et d’Allemagne à l’occasion de la semaine des primeurs, qui s’achève ce week-end à Bordeaux.

C’est la quatrième année consécutive que les biodynamiques font leurs primeurs, mais cette année le millésime enthousiasme les acheteurs et l’engouement pour la viticulture douce et l’influence des planètes sur les vignes va crescendo.

“Le côté baba cool, post-soixante-huitard, c’est révolu”, déclare à l’AFP Christophe Ehrhart, vigneron et président du domaine Josmeyer en Alsace, “on sent maintenant un vrai frémissement pour la biodynamie”, qui vise à “amener l’équilibre du terrain dans la bouteille”.

“C’est un phénomène mondial, une véritable lame de fond irréversible”, renchérit Alain Moueix, propriétaire de Château Fonroque, biodynamique depuis sept ans, et président de l’Association des grands crus classés de Saint-Emilion.

“Ce mouvement de fond est à pondérer pays par pays”, relativise Thierry Valette, propriétaire de Clos Puy Arnaud dans les côtes de Castillon (Gironde). Il y a des marchés qui “frémissent”, comme le Japon et les Etats-Unis, où le “green” est à la mode, et d’autres qui restent hermétiques, comme la Chine ou la Russie, “en pleine mutation industrielle (et) pour lesquels la pollution n’est pas le premier souci”.

Pour le négociant bordelais Jean-Christophe Estève, “les viticulteurs commencent à se rendre compte que le bio est un argument de vente intéressant”.

A Bordeaux, une dizaine d’entre eux sont biodynamiques, une cinquantaine d’autres ont obtenu le label bio, “mais il y en a beaucoup plus en cours de conversion”, selon M. Estève.

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à Courteron (Aube) dans une vigne cultivée selon les principes de la biodynamie (Photo : Alain Julien)

Le bordelais “se met à bouger”, estime M. Valette: 5% des crus prestigieux expérimentent la viticulture bio ou biodynamique.

Il y a, selon lui, à peine 4% de viticulteurs bios dans le monde et moins de 1% de biodynamiques.

“Très clairement, la viticulture n’est pas entrée assez tôt dans ce créneau porteur”, souligne Laurent Gapenne, président de la Fédération des grands vins de Bordeaux.

“Il y a un décalage entre la demande du consommateur et la prise de conscience de la filière”, juge aussi M. Valette, convaincu que certains crus bios et biodynamiques “écrasent au niveau gustatif énormément de grandes marques”.

Pour M. Ehrhart, “le grand risque c’est que les gens se lancent par pur opportunisme et fassent fi de ce qu’il y a dans la bouteille”.

Avec peu de viticulteurs bios, “le marché risque de se retrouver rapidement avec des hausses de prix considérables”, avertit aussi M. Gapenne.

“Globalement, on n’a pas de grosses difficultés à vendre et à imposer nos prix”, confirme M. Valette. Car, à la différence de bien des viticulteurs, les bios semblent épargnés par la récession. “Très franchement, ma marque est plus forte qu’elle n’était il y a cinq ans” au début de l’aventure biodynamique, même si “on ne le fait pas pour des raisons commerciales”, reconnaît Alain Moueix.

Et d’alerter ceux qui se lanceraient par opportunisme: “Ce n’est pas une viticulture de chaise longue”.