Oh combien de gamins, combien de chômeurs
Qui sont partis joyeux à la recherche d’un bonheur
Dans ce morne horizon se sont évanouis ?
Combien ont disparu, dure et triste fortune ?
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l’aveugle océan à jamais enfoui ?
Combien de harragas morts avec leur maigre paquetage
La misère de leur vie en a arraché toutes les pages
Ils sont morts entassés dans des felouques sans âge
Leurs rêves se sont évanouis dans de sombres nuages
Pris dans les vagues d’une mer démontée et en rage
Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !
Vous roulez à travers les sombres étendues,
Et parmi vous combien ne sont jamais revenus
Et ceux qui ont exaucé leurs rêves
Ont atterri sur une inconnue grève
Ceux qui sont arrivés sont-ils vivants sur leurs nouveaux rivages
Car sous ces cieux rien ni personne ne les ménage
D’individus ils n’en sont que de la poussière
Et de port en port seuls et isolés ils errent
Tristes et exploités comme les damnés de la terre
Ceux qui sont morts ont sombré dans les nuits noires
La mer laissant les mères à leur amer désespoir
Il y aura toujours ceux qui rêvent de cet Eden mirifique
Et seront les proies faciles à tous ces trafics
La mer deviendra leur
tombe au lieu d’en être l Amérique.