Exil des contribuables : l’efficacité du bouclier fiscal reste à prouver

photo_1270643918863-1-1.jpg
à la frontière suisse, en banlieue de Genève, le 1er décembre 2008 (Photo : Fabrice Coffrini)

[07/04/2010 12:44:36] PARIS (AFP) Le bouclier fiscal, censé prévenir le départ des plus fortunés à l’étranger, n’a apparemment pas endigué l’exil de ces contribuables qui ont pourtant bénéficié en 2009 de 99% des sommes remboursées au titre de ce dispositif, de plus en plus décrié.

Le bouclier fiscal à 50%, qui revient à plafonner les prélèvements (impôts divers, CSG et CRDS) de tout contribuable à la moitié de ses revenus (salaires, patrimoine, etc.), a été instauré à l’été 2007.

Promesse emblématique de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, ce bouclier fiscal avait pour objectif affiché de faire revenir en France les “exilés fiscaux”, ces contribuables, souvent très riches, partis à l’étranger pour fuir des impôts jugés trop lourds.

“Le constat à l’époque était que le nombre de délocalisations de redevables de l’ISF (Impôt de solidarité sur la fortune, ndlr) était en très forte augmentation”, rappelle Stéphane Jacquin, directeur de l’ingénierie patrimoniale chez Lazard Frères Gestion.

“Entre 1997 et 2003, on avait environ 350 départs de redevables de l’ISF par an. Il y a eu une augmentation à compter de 2003 jusqu’en 2006, pour atteindre près de 850 départs”, indique-t-il.

Les chiffres fournis mardi par le nouveau ministre du Budget, François Baroin, lors de son audition par la commission des Finances de l’Assemblée nationale, n’ont pas montré d’infléchissement notable de cette tendance après l’instauration du bouclier, a indiqué à l’AFP une source parlementaire.

En 2007, avec un bouclier fiscal encore à 60% des revenus, le nombre de départs de contribuables redevables de l’ISF s’est élevé à 719. En 2008, première année du bouclier à 50%, ils étaient 821.

photo_1270643930519-1-1.jpg
çois Baroin, à l’Assemblée nationale à Paris le 6 avril 2010 (Photo : Mehdi Fedouach)

Parallèlement, 246 redevables de l’ISF sont revenus en France en 2007 et 312 en 2008.

Pour M. Baroin et de nombreux députés présents, il est difficile de se prononcer sur l’efficacité du bouclier au vu de ces seuls chiffres, qui portent uniquement sur les personnes assujetties à l’ISF et ne renseignent pas sur leurs motivations.

“Ca ne montre rien du tout, ça montre seulement qu’il n’y a aucune corrélation entre le bouclier et les départs ou les retours”, juge pour sa part le centriste Jean Arthuis, président de la commission des Finances du Sénat, partisan de la réforme du dispositif.

Les mouvements de certains contribuables peuvent en effet être liés à des raisons professionnelles ou familiales, souligne le Syndicat national unifié des impôts (Snui).

“Depuis une dizaine d’années, le nombre de retours représente en tendance un tiers des départs” et “rapportée au nombre de redevables de l’ISF, la proportion des départs est restée stable”, entre 0,12% et 0,15% des foyers assujettis à l’ISF, relève le syndicat dans un communiqué.

De nombreux parlementaires estiment donc nécessaire une “évaluation qualitative” du bouclier, d’ailleurs prévue dans la loi.

Le président de la commission des Finances de l’Assemblée, le socialiste Jérôme Cahuzac, devait d’ailleurs se rendre mercredi après-midi à Bercy pour “un contrôle sur place et sur pièces”.

Les chiffres provisoires communiqués par M. Baroin prouvent en revanche très clairement que le bouclier fiscal bénéficie principalement aux contribuables fortunés: si plus de la moitié des bénéficiaires du dispositif ont des revenus modestes, ils récupèrent moins de 1% des sommes remboursées, le reste allant à des foyers payant l’ISF…

Si l’opposition et plusieurs personnalités de la majorité réclament la suppression ou la suspension d’un dispositif “injuste”, M. Baroin s’est prononcé pour son maintien, invoquant la nécessité d’une “stabilité fiscale”.