Marché international de la dette – Un risque systémique à l’horizon ?!

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On en est presque à dire merci à la
Grèce pour sa crise budgétaire. Cet
épisode a révélé deux défauts dans l’échafaudage actuel du marché international
de la dette qui pénalisent lourdement les pays émergents.

L’impératif de l’audit des comptes publics

La Grèce a vécu quelques années à crédit, faisant exploser sa dette à 288
milliards de dollars US, ce qui représente 115% de son PIB. Le pays a pu, au
prix d’un maquillage de ses comptes, cacher l’excédent de son déficit qui est de
13% et non de 6%, comme annoncé, à l’opinion et aux marchés. Il s’est enfin
ressaisi et une issue a pu être trouvée.

Mais au-delà du cas, qu’on espère isolé, de la Grèce, comment éviter pareilles
pratiques à l’avenir ? Plus que jamais il faut songer à auditer les comptes
publics au moins pour les Etats qui se financent sur le marché. Tout comme on
l’interdit aux entreprises et aux établissements de crédits, les Etats, à leur
tour, doivent être empêchés d’enfreindre les règles prudentielles. A signaler
que l’Allemagne n’a accepté de venir en aide à la Grèce qu’à la condition qu’au
sein de l’Euro groupe, les 16 pays qui le composent s’obligent à une discipline
prudentielle et s’en tiennent aux dispositions contraignantes du Pacte de
stabilité.

Pour ne pas effrayer les contribuables allemands qui auraient eu le sentiment de
«casquer» pour des Grecs prodigues, il fallait, expliquent les analystes,
rétablir un mécanisme de rétorsion afin de parer à tout relâchement prudentiel,
à l’avenir.

Mais comment faire pour étendre cette règle de l’Euroland à un cadre mondial ?
Il existe bien une structure de stabilité financière. Il est parfaitement
concevable de mettre sur pied une structure d’audit.

Les obligations spéculatives

Le marché international voit les opérateurs accumuler des encours importants
d’obligations à haut rendement. Certains analystes tirent la sonnette d’alarme
parce que ces obligations seraient risquées. Elles auraient été initiées par des
Fonds d’investissement puis elles-mêmes essaimées auprès d’autres investisseurs,
un peu comme ont été «titrisés» les produits structurés qui ont été à l’origine
de la crise.

Pourquoi ces obligations sont-elles risquées ? C’est parce qu’elles ont servi
aux Fonds d’investissement de lever des ressources pour financer de vastes
opérations d’acquisition/fusions. Les entreprises qui ont battu de l’aile à la
suite de la crise ont été rachetées par des groupes tentés de se concentrer pour
consolider leur pouvoir de marché. Or, en dehors d’un vigoureux retour de la
croissance, les groupes endettés pourraient se retrouver en défaut de
remboursement.

La cascade des échéances des obligations spéculatives

C’est à partir de 2012 que le risque pourrait survenir. En effet, dès 2012
-année dite de «Maturity Wall», c’est-à-dire «mur d’échéances» et sur une
période de 3 ans, un encours de 700 milliards de dollars –montant équivalent au
plan de sauvetage des banques américaines mobilisé par le Département du trésor
US- viendrait à échéance. Selon
Moody’s, les tombées s’échelonnent comme suit :
155 milliards en 2012, puis 212 milliards en 2013 et enfin 338 milliards en
2014. A cela s’ajouteraient les encours des émissions qui arrivaient à maturité
en 2009 et 2010 et qui ont été repoussées pour 2012 et les années suivantes.

A quand la régulation du marché ?

Le monde a parié sur la capacité du
G20 à moraliser le système, comme il s’y est
engagé lors de son sommet de Londres en avril 2009. Mais on s’aperçoit qu’en
dehors de quelques retouches sur les bonus ou les parachutes dorés et peut-être
un peu les paradis fiscaux, la question de la régulation du marché n’a pas
beaucoup avancé.

Des analystes redoutent que le même cercle infernal des produits structurés se
reproduise avec les obligations spéculatives. Bien entendu, on craint que les
crises larvées, celles des cartes de crédit ou celles du système de change, ne
viennent se surajouter pour accroître encore le risque. La situation serait
doublement pénalisante pour les pays émergents. La Grèce, pour se refinancer, a
subi une surprime de risque. Son taux serait supérieur à 6%, soit près du double
du taux accordé à l’Allemagne. Par contrecoup, la Grèce renchérit la prime de
risque pour les pays émergents qui seront pénalisés, dans leur effort
d’investissement, indûment.

Par ailleurs, la crise grecque a fait chuter la valeur de l’euro de près de 15%
en neuf mois. Il faut bien se dire qu’en rognant la valeur des réserves de
change des
pays émergents, on écrème leur croissance. Le «centre» continue comme
auparavant à écumer la «périphérie». L’échange inégal se mue en ordre
insupportable. Trop c’est trop !