Inaugurée dans la discrétion la plus totale en présence de l’ambassadeur du
Japon en Tunisie, Toshiyuki Taga, et d’une trentaine de personnes, pour la
plupart journalistes et étudiants, l’exposition qui se poursuivra, jusqu’au 26
de ce mois, est tout simplement un hymne à l’innovation architecturale et à la
ville bien pensée.
Fidèle à ses fondateurs, Morihiro Hosokawa (le gouverneur de Kumamoto à l’époque
devenu Premier ministre du Japon en 1993) et l’architecte Arata Isozakai,
commissaire de KAP jusqu’à 1997), KAP est un défi au système d’urbanisme
archaïque.
Les plans des constructions exposées ont été développés avec une prise en
considération sensible du design, de la fonctionnalité et de l’écologie, dans
une totale harmonie avec les contextes naturels et historiques de la préfecture
de Kumamoto, localisée sur l’île Kyusyu (sud du Japon).
Les bâtiments publics sont sobres et gais. L’hôtel de ville, Kumamoto municipal
Housing est peint en rouge brique, le musée «Masaharu Takasaki», est érigée sur
une colline verdoyante. L’Institut de recherche «Tom heneghan, Inga
Dagfinnsdöttir» est un chef d’œuvre architectural, une illustration de la
propension au savoir et à la créativité. Le théâtre de la «Seiwa Bunraku puppet
Theater» est édifié sous forme de Colisée sur un col…
A travers l’originalité de leur conception, les bâtiments publics de Kumamoto
(buildings, complexes, résidences, stations métros, parcs, lycées, galeries,
ponts à haubans, résidences…) s’associent pour faire de la ville de Kumamoto
un cadre de vie de grande qualité.
Chaque édifice, noyé dans de grandes superficies de verdure, est un véritable
tableau de Van Gogh, rappelant, avec une grande finesse, la fragilité de l’homme
devant la nature.
Cette esthétisation du bâti, voire de la touche de l’homme et son harmonie avec
l’environnement naturel, illustre de manière éloquente que les architectes
japonais ne sont pas uniquement de simples dessinateurs mais aussi des
philosophes à l’écoute du cosmos et de la société.
D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si les architectes lauréats du prix Pritzker
2010, véritable prix Nobel de l’architecture contemporaine, sont deux japonais,
en l’occurrence : Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa.
En parcourant ces images et photos, le visiteur ne peut s’empêcher d’avoir, non
sans un pincement au cœur, une pensée pour la Tunisie et pour notre
architecture.
Au regard des nouvelles villes (les ghettos d’Ennasr, El Mourouj, El Manar…),
des ghettos érigés à la gloire de la laideur, nous nous pouvons nous interdire
d’avancer qu’en matière de conception des villes, c’est l’âge de pierre en
Tunisie. La comparaison avec la préfecture de Kumamoto ne s’y prête même pas.
Pour commencer, rien ne coûte à nos architectes, urbanistes, maires, ingénieurs,
étudiants et tous autres … de faire un tour du côté du Belvédère et de visiter
cette exposition.