Rigueur et déflation : le FMI prépare une potion amère pour la Grèce

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à Athènes. (Photo : Aris Messinis)

[17/04/2010 08:24:04] WASHINGTON (AFP) Le Fonds monétaire international sera amené à partir de lundi à Athènes à discuter des conditions d’un prêt de plus en plus probable à la Grèce, État membre pour lequel il prépare une potion amère à base de rigueur et de déflation.

Une équipe du FMI est attendue dans la capitale grecque pour commencer à discuter du programme économique qui serait une condition pour que l’institution multilatérale prête un montant encore non connu, mais qui pourrait avoisiner les 15 milliards d’euros.

Pour la Grèce, le taux d’intérêt attaché à ce type de prêt est aussi attirant (3,26% à l’heure actuelle) que seront dures ces conditions.

“Il n’y a pas d’autre issue possible pour les Grecs que de devenir plus compétitifs”, prévenait jeudi le directeur général du Fonds, Dominique Strauss-Kahn, dans un entretien au magazine autrichien Profil.

“Le seul moyen efficace qui reste est la déflation. C’est exactement que la Commission européenne a recommandé, fort à propos. Et ce sera douloureux. Cela signifie des salaires en baisse, et des prix en baisse”, ajoutait-il.

La crise budgétaire grecque a en effet mis en lumière la différence dans l’évolution des coûts salariaux par rapport à l’Allemagne depuis la mise en circulation de l’euro. Dans la plus grande économie de la zone, ce coût du travail était quasi stable (-0,4%) entre 2001 et 2008, quand il augmentait de 25% en Grèce, d’après les chiffres de l’OCDE.

Pour M. Strauss-Kahn, “la Grèce doit parcourir tout à fait dans l’autre sens le chemin qu’elle a emprunté ces dernières années”.

La déflation, baisse généralisée et durable des prix, est normalement le cauchemar des banquiers centraux et des gouvernements. Elle incite les consommateurs à retarder indéfiniment leurs achats dans l’espoir d’une baisse des prix, et décourage les entreprises d’investir.

Pour faire retrouver à une économie sa compétitivité, une dévaluation est l’arme la plus évidente. Elle a souvent accompagné les plus grands “ajustements budgétaires” dont le FMI relève lui-même quelques exemples historiques: l’Irlande des années 1980, la Suède des années 1990 ou… la Grèce du début des années 1990, qui avait laissé la drachme se déprécier lentement face aux devises des futurs membres de l’union monétaire.

A moins d’expulser la Grèce de la zone euro, cet outil n’est pas disponible.

La déflation a aussi pour effet pervers de faire grimper la valeur réelle de la dette. Elle suppose une rigueur budgétaire implacable.

Pour savoir à quels efforts ils doivent s’attendre, les citoyens grecs n’ont qu’à tourner leurs regards vers les autres membres de l’Union européenne aidés par le FMI depuis un an et demi: la Hongrie, la Lettonie et la Roumanie.

Ces trois pays ont dû faire des choix difficiles, en imposant une cure d’amaigrissement à leur administration, et un gel sinon une baisse des salaires de la fonction publique ou des retraites.

Pour les économistes américains Simon Johnson (l’ancien numéro un des économistes du FMI) et Peter Boone, une situation explosive se prépare, et pas seulement à Athènes.

“Les dirigeants ni grecs ni portugais ne sont préparés à faire les coupes claires nécessaires. Les Grecs ont annoncé des changements budgétaires mineurs, et s’y accrochent désormais pour obtenir leur plan d’aide de 45 milliards de dollars tout en menaçant implicitement d’un défaut, qui ne serait pas beau à voir pour le reste de l’Europe, s’ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent”, écrivent-ils.