La crise financière de 2008 et la bonne résistance des pays du sud de la
Méditerranée à ses effets dévastateurs valident a posteriori leur stratégie
d’ouverture encore limitée des échanges financiers. L’exemple de la Tunisie est
révélateur. Pour l’avenir, elle devra poursuivre ses réformes, pas à pas, sans
céder à la tentation des capitaux à court terme, plus facilement générateurs de
crises.
En matière de libéralisation financière, deux grands courants s’opposent depuis
plusieurs années.
Les tenants d’une libéralisation totale des échanges financiers évoquent une
répartition mondiale plus efficace des capitaux qui peuvent aller des pays
industriels vers les économies en développement, favorisant du même coup la
croissance de ces derniers.
D’autres experts, en revanche, relèvent qu’en pratique, la disparition des
restrictions sur les flux de capitaux internationaux n’a pas obligatoirement
d’effet favorable sur la croissance. Elle peut même conduire à des crises graves
si elle n’est pas accompagnée d’un ensemble de mesures macroéconomiques, portant
notamment sur la modernisation des systèmes bancaires et financiers. En clair,
cette ouverture est jugée nécessaire mais pas suffisante.
Cette analyse est aujourd’hui volontiers complétée à l’aune des faibles
répercussions de la
crise financière de 2008 sur les pays sud-méditerranéens.
Engagés encore très partiellement dans la libéralisation de leurs échanges
financiers –l’ouverture réelle des marchés ne va toujours pas de pair avec la
libéralisation des mouvements de capitaux et la convertibilité intégrale des
monnaies nationales- ils ont été relativement épargnés par les effets
dévastateurs de la crise. Ce qui tendrait à valider l’idée que la levée complète
des restrictions sur les flux de capitaux n’est pas toujours une garantie de
solidité.
De bonnes performances
C’est le cas tout particulièrement de la Tunisie. Dans une étude bientôt publiée
par le réseau Femise (Forum euroméditerranéen des instituts de sciences
économiques), une équipe de chercheurs met ainsi en évidence les bonnes
performances du pays qui développe des réformes macroéconomiques graduelles
depuis une vingtaine d’années. Avec un taux de croissance supérieur à la moyenne
des pays méditerranéens (de l’ordre de 5% entre 1995 et 2008) et une hausse des
investissements directs étrangers (IDE), la Tunisie affichait une balance des
paiements en excédent de 2053 MDT (1,08 md€) en 2008 et un déficit courant de
2109 MDT (1,11 md€), soit 4,2% du
PIB. «La bonne résilience de l’économie
tunisienne à la crise récente tend à valider la stratégie retenue jusqu’à
présent par les autorités», remarquent les auteurs de l’étude.
Mais leur but était surtout de mesurer les conséquences à terme d’une plus
grande ouverture financière, avec, à la clé, quelques préconisations.
Poursuivre les réformes
Selon eux, le démantèlement tarifaire de ces dernières années a nettement
profité aux industries manufacturières et aux services, permettant de promouvoir
les investissements, la modernisation de ces activités et l’accroissement de
leur compétitivité. Pour l’avenir, la Tunisie devra donc veiller à poursuivre la
simplification de l’environnement administratif des entreprises, développer ses
infrastructures, mais aussi accroître la taille de ses marchés via des accords
inter régionaux.
Sur le plan financier, ces experts estiment que le pays a tout intérêt à
favoriser les
IDE plutôt que des mouvements de capitaux à court terme afin
d’accroître son ouverture et les flux financiers sans exposer l’économie à des
risques incontrôlables. Les IDE représentent en outre un bon moyen d’accroître
les créations d’emplois, qui restent très insuffisantes.
D’où l’importance d’une évolution encore graduelle dans le perfectionnement de
la politique monétaire et dans la poursuite de la sophistication financière,
avant d’arriver à l’instauration d’une flexibilité du change et d’une liberté
totale de circulation des capitaux. En macroéconomie, le bon timing est loin de
celui, très immédiat, des marchés.