Reclassements au rabais à l’étranger : la responsabilité des entreprises en débat

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éputé Nouveau Centre à l’Assemblée nationale, François Sauvadet, arrive le 7 Octobre 2009 à l’Elysée à Paris. (Photo : Eric Feferberg)

[04/05/2010 12:59:58] PARIS (AFP) Salaire mensuel de 137 euros en Tunisie ou 450 en Hongrie: les reclassements au rabais lors de plans sociaux sonnent comme une provocation, mais les empêcher, comme le prévoit un texte mardi au Sénat, vise d’abord à protéger les entreprises, selon des défenseurs de salariés.

La proposition de loi du Nouveau Centre “visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement” a été adoptée en juin 2009 par l’Assemblée nationale, à 451 voix pour, 7 contre et 23 abstentions.

Depuis, de nouveaux cas ont défrayé la chronique: le fabricant de pneumatiques Continental a proposé en mars à ses salariés de Clairoix (Oise) des postes en Tunisie à 137 euros mensuels.

En février, les salariés de Philips à Dreux avaient reçu des propositions en Hongrie, à 450 euros par mois, avec la condition de pratiquer la langue hongroise.

Le ministre de l’Industrie Christian Estrosi s’était alors dit favorable à une évolution de la législation. Laurence Parisot, la patronne du Medef, avait dénoncé “l’absurdité de notre droit du travail”.

En effet depuis 2002, le Code du travail prévoit que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque son reclassement “ne peut être opéré” dans son entreprise ou son groupe “sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent”.

La Cour d’appel de Reims a même condamné en mai 2009 le fabricant de chaussettes Olympia à verser 2,5 millions d’euros à 47 salariés licenciés, pour ne pas leur avoir proposé un reclassement possible en Roumanie.

En outre, la loi prévoit que les offres de reclassement doivent être “écrites et précises”. Les prud’hommes de Lens ont condamné le 21 avril la teinturerie Staf à verser 20.000 à 34.000 euros d’indemnités à des salariés à qui elle avait proposé 230 euros mensuels en Turquie ou 315 euros au Brésil, sur des postes insuffisamment détaillés.

Pour éviter “des procédures de reclassement humiliantes et inacceptables”, les députés (NC) François Sauvadet et Philippe Folliot ont proposé d’introduire l’exigence d’une “rémunération équivalente”.

L’Assemblée a aussi adopté le principe d’un questionnaire soumis au salarié dans le cas où l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté à l’étranger, lui demandant s’il souhaite recevoir des offres de reclassement hors de l’Hexagone et sous quelles restrictions éventuelles.

Ce volontariat des salariés a pour objectif de réduire les recours en justice.

Le Medef presse pour que le texte soit voté au Sénat. “Le chef d’entreprise est dans une situation intenable”: ou bien “il est condamné par les médias” en cas de propositions de salaires dérisoires dans les pays émergents, “ou bien il est condamné par les prud’hommes” s’il ne les formule pas, selon Stephan Brousse, conseiller spécial de l’organisation patronale.

Mais pour l’avocat des salariés d’Olympia, Philippe Brun, la proposition de loi, d’une “grande hypocrisie”, n’a pour but que de “faciliter les suppressions d’emplois” en soustrayant les entreprises à une obligation.

D’après le responsable CGT Mohammed Oussedik, “les entreprises estiment ne pas avoir la responsabilité de reclasser, elles vont donc continuer à sélectionner des propositions inacceptables pour les salariés”.

Me Fiodor Rilov, spécialiste du droit social, pense aussi que le législateur commence à “démanteler l’obligation de reclassement”. “La logique du dispositif est que le salarié ait à sa disposition toute la palette des possibilités pour éviter la perte d’emploi”, rappelle-t-il.