Les commerçants d’Athènes assistent, fatalistes, au déclin de leurs affaires

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é à Athénes, le 4 mai 2010. (Photo : Sakis Mitrolidis)

[04/05/2010 17:58:23] ATHÈNES (AFP) Pouvoir d’achat en berne et inquiétude face à l’avenir, voilà, aux yeux de Marigo, gérante d’un magasin du centre d’Athènes, les conséquences de la rigueur imposée aux Grecs. Mais, à l’instar de ses collègues, elle encaisse, fataliste, ces mesures qui minent le commerce.

Fait rare, la confédération des commerçants grecs a appelé ses adhérents à se joindre mercredi à la grève générale contre la cure d’austérité censée éviter un naufrage financier de la Grèce.

L’association des commerçants d’Athènes a toutefois pris ses distances avec cette décision et la grande majorité des échoppes devraient rester ouvertes.

Marigo n’a pas l’intention de baisser le rideau de fer de sa boutique de chaussures de la rue Ermou, grande artère commerçante du coeur de la capitale. “Je ne peux pas me permettre de perdre une journée de travail”, lâche cette jeune femme sans se départir d’un joli sourire. “Les gens n’ont déjà plus d’argent pour le shopping, et les mesures vont encore réduire leur pouvoir d’achat.”

Surtout, les Grecs ne savent plus de quoi demain sera fait. “Il y a beaucoup de craintes, ce n’est pas le bon moment pour dépenser”, dit encore Marigo.

La consommation, principal moteur de la croissance florissante de la Grèce avant la crise, est grippée. Et les mesures d’une sévérité inédite annoncées dimanche ne devraient rien arranger: tour de vis sur les salaires et les retraites, nouvelle hausse de la TVA qui sera passée en trois mois de 19 à 23%.

“Ils peuvent toujours augmenter la TVA, mais moins on vend, moins il y aura d’argent pour renflouer les caisses de l’Etat”, lance Georges Mihail, propriétaire depuis 40 ans d’une boutique de vêtements branchés, dont le chiffre d’affaires a dégringolé de 50% en mars sur un an.

Plusieurs économistes redoutent que l’austérité ne conduise “à une contraction de la consommation, qui pèsera inévitablement sur la croissance”, comme le dit Laurence Boone, de Barclays Capital, s’interrogeant sur la viabilité du plan d’austérité.

Les mesures choisies sont clairement déflationnistes. Le gouvernement prévoit d’ailleurs une récession prolongée jusqu’en 2011, accompagnée l’an prochain d’une baisse des prix.

“Même si la TVA va désormais représenter un quart du prix final, nous envisageons un gel ou une baisse des prix”, affirme la confédération des commerçants. Echaudés depuis des années par une valse des étiquettes, les Grecs restent toutefois sceptiques sur la réalité d’une retenue sur les prix.

La consommation des ménages s’est envolée en Grèce au moment du boom économique, au début des années 2000, avec l’entrée dans l’euro et avant les Jeux olympiques de 2004. Et malgré la crise, les terrasses des cafés et restaurants de ce pays “au bord de la faillite” demeurent bondées.

“Les gens se sont habitués à vivre au-dessus de leurs moyens, ils ont tout payé à crédit: leur maison, leur voiture, l’éducation de leurs enfants”, souligne Jens Bastian, économiste à la Fondation hellénique pour les politiques européennes (Eliamep). “Maintenant, les Grecs vont plutôt épargner et apprendre à vivre avec moins d’argent.”

Georges Mihail reconnaît que des mesures s’imposent. Mais il doute de leur mise en oeuvre, dans un pays où l’évasion fiscale est une sorte de sport national. “Personne ne veut payer tant qu’il n’y a pas la certitude que l’argent ne finira pas comme toujours dans les poches de quelques uns”, prévient-il.

La corruption des dirigeants, c’est l’autre leitmotiv des commerçants.

“Augmenter les taxes, baisser les salaires… Pourquoi pas?”, glisse Isidoros Zografos au milieu des sandales en cuir artisanales qu’il vend dans une petite échoppe du quartier touristique Plaka. “Mais le vrai problème de la Grèce, c’est que les dirigeants nous mentent depuis 20 ans.”