Le prêt du FMI a sauvé la Roumanie mais n’a pas guéri son économie

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à Bucarest (Photo : Daniel Mihailescu)

[08/05/2010 10:00:47] BUCAREST (AFP) Au printemps 2009, bien avant la Grèce, la Roumanie obtenait une aide cruciale du FMI et de l’Union européenne pour surmonter la crise économique. Un an plus tard, les analystes estiment que ce pays a évité le pire mais n’en a pas profité pour réformer son économie.

“La Roumanie avait besoin de l’argent du FMI et de l’UE, sinon elle aurait été confrontée à une crise de liquidités, son système financier risquait la faillite”, a déclaré à l’AFP l’économiste et ancien ministre des Finances Daniel Daianu.

Malheureusement, ajoute-t-il, la récession a été plus sévère qu’anticipée, entraînant une baisse des recettes, “tandis que le gaspillage des ressources publiques a continué”.

Après dix ans de forte croissance, la Roumanie est entrée en récession en 2009, lorsque son produit intérieur brut (PIB) s’est contacté de 7,1%. En 2010, après un scénario optimiste visant une croissance de 1,3%, les prévisions se sont assombries, les analystes comme les autorités n’excluant plus que la récession perdure.

“Le gouvernement a gagné du temps mais les problèmes n’ont pas été réglés, les réformes doivent être mises en oeuvre”, a souligné M. Daianu. En échange du prêt de 20 milliards d’euros du FMI, de l’UE et de la Banque mondiale, Bucarest s’était engagé à dégraisser un appareil bureaucratique jugé obèse pour faire passer son déficit public de 7,2% du PIB en 2009 à 5,9% en 2010.

Mais un an après, la fonction publique semble intacte, ses effectifs n’ayant que très légèrement baissé, tandis que les efforts du gouvernement pour supprimer bonus et primes, qui aboutissent souvent à un doublement des salaires, se sont heurtés à l’opposition des syndicats.

Devant le risque d’un nouveau gel du prêt international, après celui d’octobre 2009, Bucarest a annoncé jeudi un train de mesures d’austérité draconiennes, incluant un baisse de 25% des salaires de la fonction publique et de 15% des retraites et allocations chômage.

Deux jours plus tard, le FMI n’avait toujours pas indiqué s’il considérait ces mesures comme suffisantes pour débourser une nouvelle tranche de son aide.

Selon le gouverneur de la banque centrale (BNR) Mugur Isarescu, “l’accord avec le FMI a partiellement atteint son but, à savoir éviter les ruptures majeures, une dévaluation de la monnaie, ou l’impossibilité de payer les salaires”.

Toutefois, “l’ajustement du secteur privé n’a pas été suivi d’une démarche similaire dans le secteur public”, qui emploie environ 1,4 million de personnes pour une population totale de 21,5 millions, a-t-il regretté.

“La Roumanie avait souscrit le prêt international avec l’espoir de l’utiliser pour les infrastructures, pour compenser la chute du secteur privé. Mais en faisant le bilan aujourd’hui, nous constatons que la majeure partie des fonds est allée au paiement des salaires et des allocations sociales”, a déclaré à l’AFP l’économiste Doru Lionachescu de Capital Partners.

“L’argent du FMI a servi pour acheter la paix sociale. Cela n’a fait que reporter le dénouement, qui ne peut être qu’une réduction des dépenses publiques”, a-t-il ajouté.

Selon lui, l’espoir du gouvernement d’une sortie de crise grâce à la reprise économique de l’UE s’est révélé “une illusion”.

Andreea Paul, conseillère économique du Premier ministre Emil Boc, assure néanmoins que les réformes ont bien été engagées, mais “les effets ne seront visibles qu’à moyen et long terme”.

“Il faut un courage fou pour lancer de telles mesures. Cela fait perdre énormément de voix” au Parti démocrate-libéral (PDL, au pouvoir), a-t-elle affirmé.