ésident de la BCE Jean-Claude Trichet à Bruxelles le 7 mai 2010. (Photo : John Thys) |
[10/05/2010 11:24:09] FRANCFORT (Allemagne) (AFP) La Banque centrale européenne (BCE) a brisé un tabou lundi en se disant prête à acheter des obligations publiques dans le cadre d’un plan de soutien historique pour la zone euro, quitte à mettre en jeu son indépendance à l’égard des politiques.
L’institution de Francfort (ouest de l’Allemagne) a annoncé vouloir “mener des interventions sur le marché obligataire privé et public de la zone euro” pour calmer les marchés. Les achats, réalisés par les banques centrales nationales, ont débuté dès lundi.
La BCE se retrouve de facto dans la position de financer de la dette publique, grecque, voire portugaise ou espagnole.
Même si Lisbonne et Madrid annonçaient de nouvelles mesures de réduction de leurs déficits, “il est difficile de ne pas voir (cette décision) comme une perte de crédibilité et d’indépendance pour la BCE”, estime Marco Annonciata, chef économiste chez UniCredit.
Récemment, le président de la Bundesbank Axel Weber, candidat officieux à la succession de Jean-Claude Trichet l’an prochain, avait fait savoir son aversion pour une telle mesure.
L’intervention de la BCE entre toutefois dans le cadre du plan inédit de 750 milliards d’euros ficelé la veille par les pays de L’Union européenne. Son objectif consiste à mettre un terme à la crise de confiance qui menace l’existence même de la zone euro suite à la débâcle budgétaire d’Athènes.
“La Banque centrale donne l’impression que les achats (d’obligations publiques) visent avant tout à assurer le bon fonctionnement des marchés”, souligne Jörg Krämer, de Commerzbank.
Dans les faits, en achetant sur le marché secondaire des titres de dettes des pays en difficulté budgétaire, l’institut fait barrage à la spéculation et permet à ces Etats de continuer à se financer sur les marchés obligataires à des conditions supportables.
Elle apporte un élément de soutien clé en attendant que les parlements ratifient le paquet de 440 milliards d’euros de prêts et garanties assuré par les pays de la zone euro, la part du lion du plan décidé dimanche.
La BCE s’est par ailleurs ménagé des garde-fous. D’abord, elle ne s’est pas engagée sur le montant de titres qu’elle va acquérir. Ensuite, elle a précisé son intention de neutraliser l’effet inflationniste de la mesure afin qu’elle n’affecte pas la politique monétaire.
Elle n’a pas donné de détails, mais pourrait par exemple céder des titres qu’elle détient contre des crédits ou d’autres instruments financiers, estiment des experts, pour financer ses interventions sur les marchés obligataires.
En clair, elle ne va pas imprimer de la monnaie, comme dans le cas d’actions d’assouplissement quantitatif classiques mises en place notamment par la Réserve Fédérale américaine au plus fort de la crise, après l’effondrement de la Banque d’affaires Lehman Brothers à l’automne 2008.
Et elle a aussi décidé de réactiver toute sa panoplie de crise, notamment les opérations de refinancement sur un an, pour faciliter l’accès des banques à des liquidités, ainsi que ses accords de d’échanges de devises avec les grandes banques centrales mondiales pour permettre à la zone euro de se procurer plus facilement des dollars.
Si la BCE joue un jeu dangereux pour sa crédibilité, elle n’avait pas vraiment le choix face à la crise de confiance qui prenait des dimensions planétaires, estiment les économistes.
Pour défendre efficacement sa crédibilité, la BCE a intérêt à revenir rapidement une politique “oxthodoxe”, souligne Gilles Moec de la Deutsche Bank. Et pour cela, il vaudrait mieux que le mécanisme de stabilisation européen s’avère efficace.