Aujourd’hui, explique-t-il, «la réglementation du secteur du travail temporaire
devient nécessaire parce qu’il y a de plus en plus d’acteurs qui ne respectent
pas la législation, conséquence : les personnes à la recherche de travail sont
précarisées, ne sont pas déclarées, ne sont pas affiliées et parfois sont même
menacées».
Mais il n’y a pas que cela, face au fléau du chômage que connaît la Tunisie
aujourd’hui et l’avantage que procure le travail temporaire à travers une
première mission et une deuxième mission, il paraît important de légiférer pour
organiser les activités de l’intérim, sans oublier l’importance de la
flexibilité pour les investisseurs étrangers. «Aujourd’hui, la Tunisie a besoin
d’une flexibilité organisée que j’appelle personnellement la flexibilité
responsable, il faut rapidement installer la confiance avec les partenaires
sociaux.
L’UGTT est contre, et je la comprends, car il y a des sous-traitants
qui font n’importe quoi, or les sociétés de travail temporaire structurées ne
sont pas des sous-traitants. Si nous légiférons, je pense qu’entre nous et l’UGTT,
des rapports de partenariat pourront être établis pour aider et contribuer à
toutes les politiques de l’emploi et au développement du marché de travail».
Les opérateurs de l’intérim ont investi des efforts considérables depuis des
années pour contribuer à la promulgation d’une législation visant à réguler et
organiser le secteur. Aujourd’hui, ils ont décidé de créer leur propre
association, ce qui est une innovation. Sachant que l’UTICA, à ce jour, a
déclaré une fin de non recevoir à toutes leurs sollicitations pour la création
d’une chambre syndicale et pour cause, comme ils le disent eux-mêmes, ils
exercent en «hors la loi», ce que ne peut tolérer la centrale patronale.
Quant à la position de l’UGTT, nous n’avons pu la connaître ; Ali Ben Romdhane,
secrétaire général adjoint de l’UGTT, habilité à s’exprimer à ce propos, ayant
un emploi de temps trop chargé pour lui permettre de nous prendre même au
téléphone…
Une mission : améliorer le climat du travail
La mission de l’association serait donc de contribuer à améliorer le climat du
travail et dans le même temps à communiquer et sensibiliser les publics, toutes
catégories confondues, aux risques des mauvaises pratiques, de la concurrence
déloyale et du non respect des droits de l’Etat et des travailleurs, sur
l’avenir du secteur. «Nous refusons d’être assimilés à ces mauvaises
structures», assure M. Belahrach.
Sur le plan officiel, la tendance irait plutôt dans le sens d’une réglementation
prochaine des activités de l’intérim. Le rapport de la Commission nationale sur
l’Emploi, présidée l’année dernière par Moncer Rouissi, avait recommandé de
légiférer sur le secteur qui vit aujourd’hui en marge de la loi. En légiférant,
la Tunisie ratifiera également la Convention 181 du Bureau international du
Travail (BIT) qui reconnaît le rôle important que jouent les agences privées
dans l’emploi.
«Pour nous, légiférer veut également dire promouvoir une relation de travail
avec l’ANETI parce que les sociétés de travail temporaire doivent travailler de
concert avec cet organisme. C’est ce que nous faisons déjà, nous avons avec elle
un partenariat régulier, et lorsque nous avons besoin de profils bien précis
pour travailler, nous les sollicitons, et vice versa».
La Tunisie, qui se prévaut de sa grande capacité à s’adapter aux mutations
économiques internationales, doit pouvoir faire de même s’agissant de l’emploi,
d’autant plus que la flexibilité et l’intérim sont des faits prouvés et vécus
sur le marché du travail. Le gouvernement y trouverait peut-être le moyen de
promouvoir l’emploi en demandant aux agences de l’emploi privé d’essayer
d’insérer des jeunes inscrits à l’ANETI et pourrait même devenir un des clients
de l’entreprise de travail temporaire. «Il faut redonner de l’espoir aux jeunes
diplômés chômeurs, un espoir qui réside dans la capacité de tous les acteurs de
l’emploi à se mettre en ordre de marche par rapport à un projet présidentiel
clair». Programme présidentiel qui, rappelons-le, avait prévu l’orientation du
pays vers une libéralisation du secteur de l’emploi.
Innovation et promotion d’offres multiples et diversifiées de l’emploi semblent
être de nouvelles donnes sur le terrain. L’organisation du marché du travail par
de nouveaux textes législatifs clairs pour éviter que les sociétés du travail
temporaire n’opèrent en borderline et accompagner l’évolution du marché
coulerait, par conséquent, de source. Les entreprises d’intérim reconnues à
l’international sont aujourd’hui marginalisées dans notre pays, alors qu’elles
sont sensées rassurer les investisseurs étrangers. «Voyez Boeing ou Airbus,
quand ces compagnies réalisent qu’il existe des compagnies d’intérim en Tunisie
ou au Maroc, elles se disent, tiens nous pouvons investir, parce qu’il y a de la
flexibilité, nous serons accompagnées par des entreprises spécialisées. Le monde
a changé, la Tunisie doit également changer, le marché du travail doit évoluer»,
estime Jamal Belahrach.
Le secteur privé doit être plus exigent
Quant au secteur privé tunisien, il devrait être plus réactif et exigeant
s’agissant des opérateurs dans l’intérim et de la qualité de la main-d’œuvre et
du positionnement des entreprises. «Le secteur privé préfère travailler avec des
petits sous-traitants qui ont des bas prix, il n’est pas encore prêt à consommer
de la flexibilité responsable, il en est encore à la flexibilité précarisante»,
a déclaré le responsable d’une agence de travail temporaire.
Le directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI), Murilo
Portugal, avait déclaré à l’occasion de son passage, à la fin de l’année
dernière, à Tunis «que malgré les résultats remarquables» réalisés par son
économie, «le plus grand défi» qui se pose à la Tunisie est le problème de
l’emploi, surtout des diplômés de l’enseignement supérieur». Chaque année,
85.000 personnes arrivent sur le marché du travail pour seulement 60.000 à
65.000 postes supplémentaires et encore… Tous les experts économistes,
sociologues et politiques s’accordent à dire que le point noir de la Tunisie
c’est le chômage !
«Notre rôle est de redonner confiance d’abord aux demandeurs d’emploi et ensuite
à l’Etat et aux partenaires sociaux pour dire que le secteur est un secteur
éthique, moral et porteur si toutefois les conditions pour son développement
sont créées par une législation adéquate et des règles claires. Ce que nous
voulons c’est agir de manière efficace pour lutter contre le chômage», conclut
Jamal Belahrach.