Les gérants de Petit Casino en procès contre leur groupe au sujet de leur statut particulier

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à Toulouse. (Photo : Jean-Pierre Muller)

[12/05/2010 08:58:54] PARIS (AFP) Des gérants de Petit Casino sont en procès contre leur groupe au sujet de leur statut particulier, à mi-chemin entre le salariat et une activité indépendante, mais la plupart de ces petits commerçants de Casino y sont attachés.

Lors de l’assemblée générale des actionnaires du groupe Casino (Géant Casino, Monoprix, Franprix…) le 29 avril, le PDG Jean-Charles Naouri a été pris à partie.

“J’ai cru aux promesses des recruteurs du groupe, sur le commerce de proximité, sur l’intérêt pour le lien social” mais “quelques années plus tard, on est des cas sociaux” et “j’ai failli mourir d’épuisement au travail”, a témoigné un gérant, Christophe Léger.

“Je n’accepte pas que vous qualifiez l’action de Casino” comme contraire au principe “de respect des travailleurs et des salariés”, a rétorqué le PDG, le groupe appliquant “normalement” le statut légal.

Dans le Code du Travail, c’est celui de “gérant non salarié des succursales de commerce de détail alimentaire”, qui remonte à une loi de 1944 et n’est utilisé quasiment que par Casino, pour ses 2.000 Petit Casino sur tout le territoire, exploités par quelque 4.000 gérants, souvent des couples.

Concrètement, ceux-ci prennent la direction de supérettes pour le compte de Casino qui en reste propriétaire. Libres de leur exploitation, ils touchent une commission mensuelle de 6% sur les ventes (soit 3.718 euros en moyenne par supérette en 2009), avec un minimum garanti de 1.515 euros pour un gérant seul et 2.200 euros pour un couple – 10 à 15% des gérants sont aux minima. Casino fournit aussi un logement, souvent au-dessus de la supérette.

En contrepartie, les gérants ne doivent vendre que les produits fournis par Casino, aux prix qu’il impose.

Bien que non salariés, les gérants ont droit aux congés payés, à de la formation, au chômage notamment.

“Ce statut est attractif, il permet d’être commerçant sans apport financier”, fait valoir la direction du groupe, qui reçoit 4.000 à 5.000 candidatures chaque année pour 300 à 500 embauches.

Cependant, la CGT juge que Casino “dévoie le statut” et “spolie les gérants”. “Il y a des dossiers dans tous les prud’hommes et tribunaux de commerce”, après des inventaires déficitaires ou des licenciements, d’après le syndicat.

Me Claudine Bouyer-Fromentin suit actuellement 70 personnes et évalue à 200 le nombre de gérants en litige avec Casino. De son côté, Casino recense 10 à 15 procédures judiciaires engagées par an.

“Les gérants ont en fait un lien de subordination avec le groupe qui leur impose leurs horaires d’ouverture, leur tenue et contrôle tout. Ils ont été reconnus comme des salariés par plusieurs tribunaux”, explique l’avocate, qui a fait condamner à plusieurs reprises Casino à des milliers d’euros d’indemnités.

Le groupe a une interprétation toute autre, insistant sur la “liberté” laissée aux gérants et la spécificité du statut. Les autres syndicats prennent aussi sa défense, tout en réclamant régulièrement des augmentations de rémunération, et nombre de gérants ne veulent surtout pas devenir salariés à part entière.

Jean-Pierre Rodet (CFE-CGC), 48 ans, était auparavant employé en supermarché et a été attiré par l’indépendance et le travail en couple. “Ma femme n’a pas besoin d’une autorisation pour aller chercher les enfants à l’école”, note ce Lyonnais.

“Je ne vois pas un commerçant aux 35 heures!”, s’exclame Christian Robin (FO), qui travaille lui-même “plus de 70 heures par semaine” à Privas (Ardèche) et vit cela “très bien”.