Tunisie-Forum de l’UME : “Au Maghreb, on communique peu sur l’économie…”, déclare Hédi Djilani

M. Alhaouij a appelé les entrepreneurs à faire preuve de plus d’audace, à
s’exprimer plus librement sur toutes les contraintes qui les empêchent de mener
au mieux leurs activités et à faire fi des appréhensions qu’ils ont par rapport
aux obstacles d’ordre procédural dont les services des douanes… Il les a assurés
du soutien du guide suprême Mouammar Gueddafi et a promis d’être à l’écoute de
leurs revendications. Et il y en a des revendications, car comme l’a indiqué un
entrepreneur marocain, «est-il logique d’aller à Izmir ou à Gênes pour
transporter les marchandises en direction d’un pays maghrébin à cause des coûts
élevés et des taxes douanières qui peuvent être multipliés par deux dans
certains cas ?».

Les différences de point de vue entre pays sont-elles suffisamment convaincantes
pour justifier la fermeture des frontières ou l’établissement de taxes sur le
déplacement des personnes et des marchandises ?

Il faudrait peut-être commencer par cela, par assurer la libre circulation des
marchandises, des capitaux, des biens et des personnes à l’instar des
groupements internationaux réussis comme cela a été recommandé par les
participants à l’issue du Forum.

Pour garantir l’intégration maghrébine, il faudrait, estiment-ils, appliquer des
politiques maghrébines communes à l’échelle sectorielle, fournir des
informations sur les opportunités d’investissement dans un ou un autre pays
maghrébin et mettre fin à toutes les entraves à l’encontre de la réalisation
d’une zone de libre-échange maghrébine. Mais la dimension pratique est aussi
importante, c’est pourquoi il a été recommandé l’organisation dans chaque pays
maghrébin d’un forum touchant à des thématiques sectorielles à partir de l’année
prochaine. Un autour des établissements bancaires, des financements et des
assurances au Maroc, un autre sur l’énergie en Algérie, sur les
télécommunication et les technologies de l’information en Tunisie,
l’agriculture, la pêche, les ressources hydrauliques et la sécurité alimentaire
en Mauritanie et le bâtiment, la construction et les infrastructures en Libye.

Ces rencontres permettraient aux opérateurs de se retrouver régulièrement pour
développer des stratégies à l’échelle régionale visant le développement
d’activités sectorielles.

Ces thématiques marquent délibérément, à notre avis, le positionnement de chaque
pays en fonction des activités où il est le plus avancé. Si cela venait à se
vérifier, ça pourrait, peut-être, répondre aux vœux de près d’un millier de
personnes qui ont passé deux journées à discuter des moyens à mettre en œuvre
pour assurer l’intégration économique maghrébine et la complémentarité entre les
différents pays. Et dans ce cas, qu’est-ce qui empêcherait la Tunisie de faire
appel à l’expertise algérienne dans le secteur pétrolier, le Maroc de solliciter
la Tunisie dans le secteur des télécommunications et la Libye ou la Mauritanie
de s’assurer du soutien technique du savoir-faire de leurs voisins ?

Ceci pour ce qui est du principe, même si à ce jour, les politiques sectorielles
menées par les pays maghrébins sont établies selon les spécificités de chaque
pays et sans aucune vision d’ensemble pour toute la région, partant des
priorités nationales.

«Personne n’est responsable»

«Evitons de nous jeter les uns les autres la responsabilité de la non
construction du Maghreb économique, commençons plutôt par traduire une prise de
conscience de l’importance de son édification en actes concrets», a indiqué,
pour sa part, Mohamed Nouri Jouini, ministre du Développement et de la
Coopération internationale, invité à débattre en compagnie de son homologue au
ministère du Commerce, Ridha Ben Mosbah, de la problématique économique
maghrébine avec l’assistance.

Un débat qui n’a pas vraiment eu lieu, faute de temps mais qui n’a pas empêché
M. Nouri Jouini d’offrir aux présents une approche plus pragmatique de l’édifice
maghrébin. Une analyse qui rappelle que les difficultés ne disparaitront pas du
jour au lendemain et qu’il y a du travail d’information et de sensibilisation à
fournir en direction des jeunes depuis leur première scolarisation. Leur faire
prendre conscience de l’importance d’un destin, d’enjeux et d’intérêts
maghrébins communs.

Mais il faut aussi s’accorder sur certains principes, a-t-il précisé, celui
d’une économie libre, d’un marché libre et d’une ouverture non pas et uniquement
des pays maghrébins entre eux-mêmes mais sur le monde entier, au travers
d’accords bilatéraux ou multilatéraux, la formule importe peu du moment que
chacun y trouve son intérêt.

Il faudrait également, a déclaré le ministre du Développement, que les pays
maghrébins réussissent le pari de l’harmonisation des réglementations et des
politiques économiques, que les rôles des gouvernements et des secteurs privés
soient biens définis, que des mécanismes communs pour le financement de projets
intégrés à l’échelle régionale soient identifiés. Les pays maghrébins doivent
également assurer leur indépendance technologique et scientifique par la
formation de compétences humaines capables de développer la recherche et le
développement et de pouvoir aider à trouver des parades visant à résoudre des
problématiques de taille se rapportant à la sécurité alimentaire, le changement
climatique et la sécurité énergétique.

La BMICE opérationnelle à partir de septembre 2010

Tout cela ne se fera pas en un jour, mais finira certainement par voir le jour
car «l’Europe que nous citons très souvent en exemple a aujourd’hui 61 ans, nous
n’en avons que 21», a rappelé Habib Ben Yahia, secrétaire général de l’UMA dont
la profonde croyance en l’édifice maghrébin et l’optimise sont contagieux.

Il a rappelé à l’occasion que la
BMICE
démarrera officiellement au mois de
septembre prochain à Tunis et qu’elle offrira au secteur privé les opportunités
et les moyens de développer leurs activités à l’échelle régionale.

Entrepreneurs, pouvoirs publics, populations sont aujourd’hui conscients de la
nécessité de ce grand Maghreb, nous devrions peut-être apprendre à y croire et à
mieux communiquer à son sujet. «Au Maghreb, on ne communique pas assez sur
l’économie, on communique beaucoup plus sur la politique et plus pour mettre en
exergue les divergences que les convergences», a déclaré Hédi Djilani, président
du Patronat à la conférence de presse qui a clôturé le Forum.

Une conférence de presse marquée par la volonté des présidents des patronats
maghrébins et du secrétaire général de l’UMA de s’investir dans la vulgarisation
d’un Maghreb économique par des actes concrets. «Les ministres de l’Intérieur
des 5 pays se sont réunis à Tunis pour discuter entre autres de la libre
circulation des personnes», a précisé M. Ben Yahia, tout comme on utilisera la
fibre optique dans les télécommunications.

Il est temps de renverser la vapeur et de commencer de nous accorder sur ce qui
nous unit en évitant ou en tempérant ce qui nous sépare.