L’histoire et le parcours des diplômés maghrébins des Grandes écoles françaises
d’ingénieurs sont indissociables des luttes nationales pour l’émancipation et
l’indépendance des pays du Maghreb central.
La puissance coloniale, en niant la culture intrinsèque maghrébine, a écrasé la
machine à fabriquer des talents techniques et scientifiques autochtones. Le peu
de Maghrébins diplômés des Grandes écoles qui ont filtré de ce système qui
prévalait avant les indépendances, se sont engagés politiquement dans la lutte
nationale à l’instar de feu Tahar Amira avec un idéal fort : assurer la relève
technique à la présence française après son départ.
Les ingénieurs des Grandes écoles qui ont suivi cette génération de pionniers
ont voulu prouver, par leur engagement dans les grands travaux entrepris par les
États, fraichement indépendants, que la vraie autonomie est l’autonomie
technique et scientifique. C’était le message voulu par les mousquetaires de
Bourguiba en Tunisie : Abdelaziz Zenaïdi pour les travaux de grands bâtiments
(Faculté des lettres 9 Avril, hôtel Hilton, …), feu Mokhtar Laatiri pour les
travaux publics et ouvrages d’art (Route du Kef, route Korbous, Route X, …) et
Lassaad Ben Osman pour les travaux hydrauliques (barrages de la vallée de
Medjerda). A ceux-là il faudrait rajouter bien d’autres tels que Mekki Zidi qui
a industrialisé le pays (El Fouledh, STEG, …), Férid Khouaja (père des
télécommunications tunisiennes), Tijani Chelly, feu Sadok Bahroun, Mohamed Ali
Souissi, Kamel Rekik, … et la liste est heureusement longue.
Les 70-90 vs 2000 !
Les années 70 ont été marquées par l’intégration des diplômés tunisiens des
Grandes écoles dans des sociétés publiques telles que la CPG, la STEG et l’ETAP.
Quant aux années 80, elles marquent le début de la vague de ‘non retour’ des
diplômés tunisiens des Grandes écoles françaises d’ingénieurs, le peu
d’ingénieurs ayant fait le choix du retour ont intégré les banques de
développement (BDET, BTEI, BTKD, …). Un phénomène d’érosion des compétences qui
s’est accéléré pendant les années 90 avec une tendance à la mondialisation
(Londres, New York, Dubaï…) boostée par des secteurs ‘voyageurs’ telles les
finances et le IT, mais un phénomène relativement ralenti dans les années 2000
avec un retour au bercail plutôt tardif, souvent après une longue expérience
professionnelle, pour se lancer dans l’entrepreneuriat. Le secteur public est
littéralement déserté.
Qui de mieux qu’Eric Gobe, auteur de l’excellent recueil ‘’L’ingénieur moderne
au Maghreb: XIXe-XXe siècles’’ pour nous parler de la fabuleuse histoire de
cette élite technique et scientifique ! Le point avec ce chercheur permettra en
effet de retracer une saga qui date d’un siècle, une flamme qui n’est pas prête
de s’éteindre grâce notamment à un réseau vivant et agissant : l’ATUGE.
Tant que l’esprit de Si Mokhtar Laatiri est en nous, le succès sera
inexorablement en nous ! Notre pays n’en sera que plus fort.
Soyons au rendez-vous de ce déjeuner-débat, de cet événement introspectif et
éclairé (de l’extérieur) par notre conférencier Eric Gobe, politologue et
sociologue au CNRS et à l’Institut de Recherches d’Etudes sur le Monde Arabe et
Musulman, le vendredi 14 mai 2010 à 12h15 à l’hôtel Concorde Les Berges du Lac…