En Chine, pour beaucoup, l’achat d’un appartement reste un mirage

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à Pékin le 16 mai 2010 (Photo : Liu Jin)

[17/05/2010 07:24:50] PEKIN (AFP) Les mesures prises par le gouvernement pour enrayer la flambée des prix de l’immobilier en Chine ont déboussolé plus d’un acheteur potentiel, mais pas forcément les spéculateurs, ceux-là mêmes visés par les nouvelles restrictions de l’accession à la propriété.

Et si les prix ont semblé un peu s’assagir, de nombreux acheteurs préfèrent attendre, dans l’espoir que le marché retrouve enfin des niveaux abordables.

Jiao Yurong avait soigneusement organisé sa vie pour avoir les moyens de financer les études de son fils aux Etats-Unis, pensant ensuite lui acheter un logement. Mais cette comptable de 50 ans n’avait pas calculé avec la flambée des prix: “alors que nous avions économisé juste assez pour un apport de départ, ils ont bondi”, raconte-t-elle.

Au vu des prix affichés le mois dernier au salon de l’immobilier de Pékin, un appartement de 90 m2 coûte en moyenne 1,9 million de yuans (220.600 euros), alors que le revenu moyen dans la capitale a été de 26.738 yuans par habitant l’an dernier. Et puis “la politique est si instable” en matière d’immobilier. “Plus rien n’est clair”, soupire Jiao.

Déboussolée, cette mère de famille n’est pas la seule, alors que le gouvernement est monté au créneau ces dernières semaines pour annoncer des mesures destinées à freiner l’envolée du marché et prévenir une bulle.

Des restrictions ont été imposées aux ventes sur plan et au crédit pour l’achat d’un bien qui serait déjà le troisième, tandis que le montant de l’apport minimum a été augmenté à partir de la deuxième acquisition immobilière.

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à Pékin le 16 mai 2010 (Photo : Liu Jin)

La ville de Pékin a même décidé de limiter à un appartement le nombre que chaque famille pourra désormais acquérir, qu’elle soit ou non déjà propriétaire, et a barré l’accès au crédit immobilier pour ceux qui n’étaient pas ses contribuables en 2009.

D’après la profession, ces mesures portent de premiers fruits: “les vendeurs commencent à baisser les prix”, indique Hu Jinghui, directeur général adjoint de 5i5j, une chaîne d’environ 600 agences dans huit villes de Chine. “Mais les acheteurs attendent”, ajoute-t-il.

Depuis que Pékin a annoncé ses mesures sur l’immobilier fin avril, les prix ont chuté de 10 à 15% et les achats de 50%, affirme-t-il.

Jack Guan, jeune cadre dans une maison de courtage de Qingdao (est), fait partie de ceux qui vont encore attendre, même s’il a commencé à chercher l’an dernier, dans la banlieue de la capitale, alors que les prix était “dingues”.

“Je vais patienter. Je pense que beaucoup de gens vont faire pareil maintenant qu’il y a une possibilité pour que cela baisse”, explique-t-il. Mais les spéculateurs trouveront toujours des moyens de contourner les nouvelles mesures.

Ainsi des restrictions de crédit: faute de base nationale de données sur les ventes immobilières, les banques n’ont pas moyen de savoir si le postulant n’est pas déjà propriétaire dans une autre ville. Quant à la hausse de l’apport minimum, elle devrait faire peu de différence pour une catégorie d’acheteurs payant souvent l’intégralité de leur achat en liquide.

D’après les médias officiels, certains iraient même jusqu’à divorcer pour que l’un des deux conjoints achète un appartement aux conditions faites pour un premier achat avant que le couple ne se remarie.

Jiao, elle, soupçonne que les promoteurs eux-mêmes retardent leurs ventes, pour raréfier l’offre et faire monter les prix: trop souvent elle s’est entendue dire que tout était vendu.

Lina Wong, directrice de la société immobilière Colliers International, s’attend à des mesures plus drastiques.

Elle évoque une taxe foncière sur l’immobilier résidentiel pour décourager les acheteurs en série et même une réforme fiscale pour “réduire l’intérêt des gouvernements locaux dans la vente des terres” achetées par les promoteurs.