Baisse de l’euro, bouée de sauvetage pour une croissance française défaillante

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èces en billets de banque en euros (Photo : Koen Suyk)

[18/05/2010 15:27:13] PARIS (AFP) Au centre de toutes les inquiétudes, la rapide dépréciation de l’euro pourrait en fait être une bouée de sauvetage pour l’économie française, au moment où la fragile reprise est menacée par une cure d’austérité.

Les économistes sont globalement d’accord sur un point: malgré sa baisse, le niveau actuel de la monnaie unique — entre 1,23 et 1,24 dollar mardi — n’a rien d’alarmant.

Et les responsables politiques, préoccupés ces dernières semaines par la crise de défiance qui frappe la zone euro, commencent à relayer ce message plus optimiste.

“Une baisse de 10% du taux de change effectif de l’euro a un effet favorable d’environ 0,7 point sur la croissance du produit intérieur brut (PIB) en moyenne annuelle”, plaide-t-on ainsi dans l’entourage de la ministre de l’Economie Christine Lagarde.

Un brin moins optimistes, plusieurs experts estiment à 0,5% ce surplus d’activité.

Or, depuis le début de l’année, le taux de change effectif de l’euro, qui prend en compte l’évolution de la monnaie unique vis-à-vis des devises de ses principaux partenaires commerciaux, a diminué d’environ 7%, explique Olivier Gasnier, économiste à la Société Générale.

Les effets bénéfiques se manifestent essentiellement sur le commerce extérieur, largement déficitaire ces dernières années en France.

“Pour les exportateurs, c’est du pain béni”, glisse Alexander Law, du cabinet Xerfi. Selon lui, la baisse de l’euro est particulièrement avantageuse pour “certains secteurs précis où la France est bien placée, comme le luxe ou la pharmacie, dans lesquels on produit en Europe, mais on vend en dollars”.

De la même manière, l’avionneur Airbus tire profit de cette situation face à son concurrent américain Boeing – comme le montre l’envolée de l’action de sa maison mère EADS à la Bourse de Paris.

Certes, les exportations françaises visent essentiellement d’autres Etats de la zone euro (60% environ), ce qui relativise l’importance du taux de change. “Mais comme les concurrents américains sont moins compétitifs, des produits français peuvent également mieux se vendre au sein de la zone euro”, assure-t-on à Bercy.

Le corollaire de ce regain de dynamisme des exportations, c’est que les produits importés sont plus chers. Ce qui, dans le cas des matières premières comme le pétrole, libellées en dollars, risque de se traduire par un sursaut de l’inflation.

Mais là aussi, l’effet peut s’avérer favorable, estime Thierry Mayer, professeur à Sciences-Po, si la France réussit à contenir une éventuelle spirale inflationniste qui entraînerait les salaires à la hausse et la compétitivité à la baisse. “Un peu d’inflation en plus peut alléger la charge de la dette”, rappelle cet économiste.

Même s’il “ne faut pas non plus en attendre des miracles”, la baisse de l’euro peut donc, au moins en partie, “compenser la moindre croissance attendue en Europe par rapport aux pays émergents et aux autres pays avancés”, souligne M. Mayer.

“Globalement, c’est notre seule respiration, ça peut aider à absorber la potion amère qu’on va ingurgiter début 2011”, lorsque les mesures de réduction des déficits seront mises en oeuvre, renchérit Olivier Gasnier.

“Dans le passé, ce genre d’ajustement budgétaire était accompagné d’une dévaluation de la monnaie pour donner de l’air à l’industrie. Avec la monnaie unique, on ne peut pas le faire à l’intérieur de la zone euro, mais on peut au moins récupérer de la compétitivité à l’extérieur de la zone.”

Selon lui, “le risque, c’est que le Royaume-Uni et les Etats-Unis, lorsqu’ils vont aussi réduire leurs déficits, soient tentés de faire de même avec leurs monnaies. Donc profitons-en tant que ça dure!”