Audience au Conseil des Prud’hommes de Paris, le 17 mars 2006 (Photo : Francois Guillot) |
[20/05/2010 12:45:33] PARIS (AFP) Les contentieux entre salariés et employeurs, liés à des écrits postés sur internet via les réseaux sociaux vont se multiplier, estime l’avocat spécialisé en droit du travail Me Christophe Noël, mais pour qu’une sanction soit valable, il doit y avoir atteinte aux intérêts légitimes de l’entreprise.
Q: Le tribunal des prud’hommes de Boulogne-Billancourt a été saisi par deux salariés licenciés pour avoir critiqué leur employeur sur Facebook. Avez-vous connaissance de dossiers similaires?
R: Nous sommes au tout début d’un phénomène qui va énormément se répandre. C’est un champ encore en friche. Mais il faut prendre conscience de ce qu’on écrit. Le danger, c’est de croire que ce qu’on écrit sur les réseaux est totalement impuni et non sanctionnable, c’est une grave erreur.
Q: Quels sont les droits des salariés, les limites à ne pas franchir?
R: Deux logiques de droit vont s’affronter: d’un côté le droit à la protection de la vie privée et à la correspondance privée, qui inclut a priori les réseaux sociaux. Ce sont des principes fondamentaux qui font que l’employeur ne peut se servir de la correspondance privée ou de faits relevant de la vie privée du salarié pour le licencier.
D’un autre côté (vu de l’employeur, NDR), il y a des exceptions qui ouvrent la voie à des sanctions: lorsque les propos ne relèvent plus de la sphère privée et c’est le cas avec les réseaux sociaux, dont les destinataires sont nombreux et peuvent eux même rediffuser les messages. Un échange privé devient ainsi public.
L’employeur peut alors s’en saisir, mais pour que cela devienne un motif de licenciement il faut encore que l’information porte atteinte aux intérêts légitimes de l’entreprise compte tenu des fonctions exercées par le salarié. Ces deux éléments – intérêts légitimes et fonctions – seront pris en compte pour apprécier s’il y a matière à sanction.
Il y a aussi la législation sur la diffamation, l’injure qui peut conduire à un licenciement.
Q: Faut-il donc s’abstenir de tout écrit sur internet sur son employeur?
R: Non, nous n’en sommes pas là. Il y a un droit de critique fondamental en France, qui est même inscrit dans le code du travail pour les salariés. Un salarié a le droit de critiquer son employeur de manière objective, ce n’est pas une faute. Ce qui l’est, c’est de tomber dans la caricature, la diffamation, l’exagération.
(Propos recueillis par Céline SERRAT)