Total tourne la page de l’ère Desmarest

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à Gonfreville-l’Orcher (Photo : Robert Francois)

[21/05/2010 09:01:48] PARIS (AFP) Thierry Desmarest quitte aujourd’huui la présidence de Total, qu’il occupe depuis 1995, marquant ainsi la fin d’une époque exceptionnelle pour le groupe pétrolier, durant laquelle il est devenu la plus grande mais aussi la plus mal-aimée des entreprises de France.

M. DesmarestDesmarest, 64 ans, présidera vendredi sa 17e et dernière assemblée générale des actionnaires de Total. Il devrait ensuite confier la présidence à son dauphin, Christophe de Margerie, à qui il avait déjà laissé la direction générale en février 2007.

M. Desmarest restera cependant au conseil d’administration du groupe pétrolier, le renouvellement de son mandat pour trois ans étant soumis au vote de l’assemblée générale. “Je resterai un membre actif du conseil d’administration”, a-t-il promis mercredi sur la chaîne Public Sénat.

Le départ de ce patron emblématique est la fin d’une époque pour le groupe pétrolier.

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évrier 2005 à Paris (Photo : Francois Guillot)

Née en 1924, la Compagnie française des pétroles est devenue, sous l’ère Desmarest, la première capitalisation boursière française, tout en faisant son entrée dans le club des majors mondiales de l’or noir, aux côtés d’Exxon, BP, Shell ou Chevron.

Ce stratège hors pair a, en effet, permis à Total de multiplier son chiffre d’affaires par cinq, en fusionnant successivement avec le belge Petrofina (en 1998) puis avec son grand concurrent français Elf Aquitaine (1999). Le groupe est ainsi passé, en une décennie, de la 13e à la 4e place des groupes pétroliers mondiaux et fait désormais 95% de ses profits hors de France.

Salué par la presse économique pour ces exploits, M. Desmarest a cependant trouvé ses limites quand il a fallu gérer les tempêtes médiatiques inhérentes à la vie d’un grand groupe pétrolier, telles que la marée noire de l’Erika (1999) ou l’explosion de l’usine AZF (2001).

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écembre 2001devant la propriété de Thierry Desmaret à Montigny-la-Resle (Photo : Claude Signolet)

La froideur de celui qu’on appelle “Monsieur sans faute” passe alors mal dans l’opinion publique. Des militants s’en prennent même directement à lui, en occupant son château familial, à Montigny-la-Resle (Yonne), pour le deuxième anniversaire du naufrage de l’Erika au large des côtes bretonnes.

De ce point de vue, “Christophe de Margerie est incontestablement l’anti-Desmarest”, remarque Vincent de la Vaissière, du cabinet de conseil VcomV, qui réalise des enquêtes régulières sur l’image des patrons du CAC 40. “M. de Margerie sait que la dimension humaine d’un patron est importante, contrairement à Desmarest qui était glacial”, souligne-t-il.

Adepte d’une communication effrénée, M. de Margerie n’en garde pas moins l’oeil rivé sur les bénéfices, qui ont atteint en 2008 un niveau historique pour un groupe français (13,9 milliards d’euros). Depuis qu’il est directeur général, “Big Moustache”, comme l’appellent ses collaborateurs, a en effet su montrer qu’il s’inscrivait dans la droite ligne de son prédécesseur.

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évrier 2009 à Paris (Photo : Str)

Il n’hésite ainsi pas à prendre des décisions difficiles, comme la fermeture de la raffinerie de Dunkerque, qui a valu une nouvelle chute de l’image du groupe dans l’opinion publique.

Selon un baromètre trimestriel réalisé par Ipsos, Total était en mars la grande entreprise la moins aimée des Français, avec un score de -40, en baisse de 11 points.

“Les hommes changent mais la politique reste”, regrette Charles Foulard, coordinateur CGT chez Total, en critiquant une “logique financière qui conduit à des suppressions d’emplois”.