La bourse de Francfort le 14 mai 2010 (Photo : Mario Vedder) |
[25/05/2010 17:34:20] PARIS (AFP) Paniqués par la crise de la zone euro, les investisseurs se ruent massivement sur les obligations allemandes et françaises, dont les taux évoluent à des niveaux historiquement bas, une situation qui permet en théorie à ces Etats de se financer à moindre frais.
Considérées comme des placements très sûrs, les obligations allemandes et dans une moindre mesure françaises ont vu leur rendement tomber cette semaine sous les 3%. Ils ont atteint mardi des niveaux jamais vus, à 2,55% pour le Bund allemand à 10 ans et 2,84% pour l’OAT française.
A l’origine de ce mouvement de “fuite vers la qualité”, l’aversion des investisseurs pour les actifs risqués –actions, obligations d’entreprises et certaines devises– sur fond de craintes de rechute de l’activité économique.
“Les deux facteurs qui ont entraîné ces taux à la baisse sont le mauvais état du marché (obligataire) grec qui a amorcé le mouvement et la baisse des marchés actions” qui fonctionnent généralement à l’inverse du marché obligataire, souligne Etienne Pourny, PDG de Stelphia Asset Management.
Signe de la fébrilité ambiante, ce mouvement de repli vers les actifs allemands et français est plus important que celui observé lors de la crise financière à l’automne 2008. Une situation liée aux craintes macroéconomiques mais qui prend également en compte les niveaux très bas d’inflation.
“Les taux à 10 ans doivent correspondre aux perspectives de croissance économique, aux perspectives d’inflation auxquelles on ajoute une petite prime”, rappelle Jean-Louis Mourier, économiste chez Aurel.
Or, les rendements allemands et français actuels sont cohérents avec “un scénario à la japonaise”, souligne Patrick Jacq, stratégiste obligataire chez BNP Paribas, soit une croissance faible conjuguée à une inflation négative.
écran indiquant les cours de bourse dans la rue à Paris le 10 mai 2010 (Photo : Thomas Coex) |
“Par rapport à la crise de 2008, la perspective de politiques (d’austérité) budgétaire en zone euro renforce un risque déflationniste assez sensible, ce qui tire les rendements à la baisse”, note le stratégiste, jugeant cette situation préoccupante.
Mais la baisse des rendements n’a pas que des aspects négatifs.
Paradoxalement, les niveaux historiquement bas peuvent soutenir les perspectives économomiques, en abaissant les coûts de financement.
Les taux d’intérêt dans l’immobilier et pour les entreprises étant en général proches des taux auxquels un Etat se finance sur le marché, la situation actuelle pourrait favoriser une demande de crédit plus forte, même si aucune statistique n’a été publiée en ce sens.
“La forte baisse des taux d’intérêt est en train de bâtir les conditions d’une activité un peu meilleure”, résume M. Mourier.
Autre avantage: avec des taux moins élevés, l’Allemagne et la France pourront se refinancer à un prix légèrement inférieur lors des prochaines émissions obligataires, à condition que les taux ne repartent pas à la hausse et que le différentiel entre la France et l’Allemagne, réference dans la zone euro, ne se creuse pas.
“Si cela peut contribuer à faire des économies, c’est très bien, mais cela ne va pas permettre de réduire le déficit budgétaire”, avertit le stratégiste de BNP Paribas, jugeant que cette situation donne seulement “plus de marge de manoeuvre à l’Agence France Trésor (AFT), qui gère la dette française.
Plus sombre, M. Pourny estime que l’allégement du coût de la dette allemande ou française est marginal au regard “du prix payé en termes de stress des agents économiques” qui est, selon lui, “plus important que les quelques centimes économisés sur le refinancement des Etats”.