La grande distribution popularise le bio, au risque de le dénaturer

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équitables sont photographiés dans les rayons épicerie d’une grande surface, le 05 mai 2007 à Rots. (Photo : Mychele Daniau)

[30/05/2010 08:45:26] PARIS (AFP) La grande distribution surfe sur la vague bio en proposant des produits à prix cassés, une démocratisation bienvenue, mais qui suppose un recours massif aux importations et fait craindre aux producteurs de se voir imposer des tarifs ne leur permettant pas de vivre.

Les grandes et moyennes surfaces distribuent aujourd’hui 45% de l’alimentation biologique, loin devant les réseaux spécialisés. Pionnière dès 1990, l’enseigne Monoprix a été suivie par Carrefour et les autres.

Dernier en date, Auchan propose, sous sa propre marque, 50 produits alimentaires certifiés bio à moins d’un euro. Une offre permanente “dans la lignée de sa politique de discount responsable, qui vise à rendre accessibles à tous les consommateurs les produits issus de modes de production durables”, selon un dossier de presse.

Pour ce faire, Auchan assure avoir réalisé un “effort important pour compresser ses coûts” mais refuse de dire sur quels coûts a porté cet effort.

Le prix étant le principal frein à l’achat de produits issus de l’agriculture biologique, cette initiative devrait contribuer à démocratiser ce marché qui reste encore marginal (3 milliards d’euros en 2009, soit moins de 2% de la consommation alimentaire des ménages, qui s’est élevée à 140 milliards).

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é de Caen, le 16 mai 2008 (Photo : Mychele Daniau)

Mais l’offre de produits bio français étant inférieure à la demande, cette offensive de la grande distribution va se traduire par une hausse des importations, qui représentent déjà 38% des produits consommés.

Or, “un produit bio importé peut poser problème à une personne qui est soucieuse de limiter son empreinte carbone”, souligne Isabelle Senand du cabinet Xerfi.

Acheter bio importé, ou local non bio? Tel est le dilemme pour un nombre croissant de consommateurs, dont certains, qui se surnomment les “locavores”, privilégient clairement la deuxième option.

Le succès rencontré par le label “Le petit producteur”, dont la photo est visible sur l’emballage du produit, ou par les AMAP (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), dont le principe est de créer un lien direct entre paysans et consommateurs, montre que le local commence à supplanter le bio.

Pour la Fête des Voisins vendredi, le ministère de l’Ecologie a invité les Français à “privilégier des produits locaux pour ne pas participer aux pollutions liées aux transports”.

Car le bio n’est pas seulement “un cahier des charges technique”: il doit prendre en compte “l’aspect social et environnemental”, estime Dominique Marion, président de la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB).

Manger bio ne doit pas se traduire par la “liquidation de la production dans nos terroirs”, abonde Philippe Collin, porte-parole de la Confédération paysanne et producteur de céréales bio.

Leur crainte? Que les grandes et moyennes surfaces imposent à l’agriculture biologique les normes et le modèle de développement qu’elles ont, selon eux, réussi à imposer à l’agriculture conventionnelle.

“Le calibrage des fruits, c’est elles qui l’ont inventées”, rappelle M. Marion. Et la concentration foncière, résultat d’une logique productiviste, “on voit ce que ça a donné: 50% de paysans en moins…”

“La grande distribution va se servir du bio comme d’un produit d’appel, pour regonfler ses marges, sans se soucier des dégâts sociaux que ça peut entraîner”, prévient Philippe Collin, qui redoute que les producteurs bio se voient imposer à leur tour “des prix qui ne leur permettent pas de vivre”.