Japon : après 9 mois, le Premier ministre Hatoyama a accouché d’une maigre stratégie économique

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à Tokyo le 2 juin 2010 (Photo : Yoshikazu Tsuno)

[02/06/2010 07:32:26] TOKYO (AFP) Le Premier ministre de centre-gauche Yukio Hatoyama quitte le pouvoir en laissant le Japon au milieu du gué, sans projet économique ni garantie de financement des générosités sociales promises, au grand dam des milieux d’affaires.

Entraîné par le dynamisme de la Chine et les mesures prorogées du précédent gouvernement de droite, l’archipel est parvenu à s’extraire de la grave récession endurée entre 2008 et 2009, mais il reste frêle, handicapé par la déflation et l’anxiété générale.

Les analystes estiment que le gouvernement de Yukio Hatoyama n’a rien fait pour accentuer le mouvement de reprise, faute de vision d’avenir appuyée par des dispositions fermes.

Les membres du cabinet Hatoyama, incapable de cadrer ses troupes, ont en outre à maintes reprises affiché publiquement leur inexpérience et divergences sur des questions essentielles.

Deux mois après son arrivée en poste, mi-novembre 2009, le ministre de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie, Masayuki Naoshima, avait médusé les foules en révélant avant l’heure les chiffres de l’évolution du produit intérieur brut (PIB) nippon.

En janvier, le ministre des Finances, Hirohisa Fujii, tenu en haute estime mais âgé, avait dû abandonner son poste, officiellement pour raison de santé, mais aussi du fait de désaccords avec d’autres représentants de l’Etat sur les moyens à employer pour sortir du gouffre la première compagnie aérienne nippone, Japan Airlines (JAL).

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à Davos le 30 janvier 2010 (Photo : Eric Piermont)

Le lourd portefeuille de gardien des deniers publics échut alors au vice-Premier ministre, Naoto Kan. Aujourd’hui pressenti pour diriger le pays, il fut contredit plus d’une fois par le chef du gouvernement sur les problèmes qui fâchent (plafonnement des émissions d’obligations d’Etat, hausse de la taxe sur la consommation, posture à tenir face au cours erratique du yen).

Toutefois, au-delà de ces bourdes et cafouillages, les employeurs et travailleurs reprochent à M. Hatoyama de ne pas avoir tracé de plan financier crédible et économique lisible.

Promettant d’investir “dans les gens plus que dans le béton”, le gouvernement est piégé par un budget faramineux, totalement déséquilibré, qui repose pour près de moitié sur des ventes de bons du trésor, un risque majeur pour l’avenir.

“La communauté des affaires craint une perte de contrôle de la balance budgétaire”, a souligné le mois dernier la fédération des entrepreneurs Keidanren, en présentant un énième cahier de doléances.

Les patrons, qui rappellent que l’endettement public du Japon est deux fois supérieur à son PIB, jugent aussi urgente qu’impérieuse une réforme fiscale complète, un sujet sur lequel M. Hatoyama est resté évasif.

L’ex-Premier ministre s’est même inscrit en faux, promettant de ne modifier le système des impôts qu’après avoir fait des économies au sein de l’administration.

“Il est important pour le Japon de croître en même temps que l’Asie”, plaide le Keidanren, exigeant une réelle stratégie de croissance. L’organisme se voulait pourtant bien disposé à l’égard du gouvernement de centre-gauche au départ, bien qu’ayant été auparavant un partenaire essentiel du grand parti de droite relégué dans l’opposition.

Las, le naufrage de M. Hatoyama risque de retarder le lancement du programme “vision industrielle” en préparation au ministère de l’Economie, un ensemble de modalités censées doper la puissance des firmes japonaises, générer des nouveaux marchés dans les domaines de l’énergie, de l’environnement, de la santé ou de la création culturelle, et donner lieu à 2,6 millions d’emplois d’ici à 2020.