La domination d’EDF sur le marché de l’électricité en examen à l’Assemblée

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évrier 2010 à Paris. (Photo : Fred Dufour)

[08/06/2010 05:59:57] PARIS (AFP) Les députés examinent mardi le projet de réforme du marché de l’électricité, présenté comme le plus important depuis l’après-guerre et qui vise à entamer la domination de l’ancien monopole public EDF tout en garantissant des prix régulés pour les particuliers.

Si elle est adoptée, cette réforme va obliger EDF à céder, à prix coûtant, jusqu’à un quart de la production d’électricité de son parc nucléaire à ses concurrents (GDF Suez, Poweo, Direct Energie).

Annoncé en septembre 2009 par le Premier ministre, le projet de loi Nome (Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité) a été en grande partie élaboré sous pression de la Commission européenne.

Bruxelles a en effet engagé plusieurs procédures contre la France visant les tarifs réglementés proposés par EDF aux entreprises hexagonales.

Ces tarifs, fixés par l’Etat et inférieurs aux prix de marché, sont susceptibles de constituer une distorsion de concurrence en faveur des entreprises françaises, selon la Commission.

La solution la plus aisée pour mettre fin aux poursuites de Bruxelles aurait été de supprimer purement et simplement ces tarifs. Mais le risque était de voir EDF aligner ses prix sur ses concurrents européens, en les relevant d’environ 30%.

“Or, l’électricité compétitive, c’est de l’emploi industriel”, rappelait récemment Henri Proglio, patron d’EDF.

Le gouvernement a donc choisi la voix médiane, mais beaucoup plus complexe, que lui avait suggérée la commission d’experts présidée par l’ancien président de l’Autorité de régulation des télécoms, Paul Champsaur.

Le mécanisme vise à permettre aux fournisseurs alternatifs d’accéder à l’électricité bon marché produite par les 58 réacteurs nucléaires français.

Ce parc nucléaire confère actuellement un avantage compétitif à EDF, que ses concurrents ne parviennent pas à entamer. Le groupe détient toujours 95% de part de marché, trois ans après l’ouverture à la concurrence.

La réforme prévoit aussi la suppression des tarifs réglementés pour les entreprises mais leur maintien pour les particuliers, une disposition appréciée par les associations de consommateurs.

“Il s’agit de maintenir l’avantage du nucléaire au bénéfice du consommateur français tout en favorisant la concurrence”, explique Jean-Claude Lenoir, rapporteur (UMP) du projet de loi à l’Assemblée.

Impliquée dans les travaux de la commission Champsaur, la gauche n’en est pas moins opposée à ce projet.

Le député socialiste François Brottes dénonce une “loi d’ajustement aux injonctions de la Commission européenne” et plaide pour une révision de la réglementation européenne “qui n’est plus du tout adaptée à la situation actuelle”.

Les syndicats sont tout aussi critiques. La CGT de l’Energie a ainsi lancé une pétition contre ce qu’elle qualifie de “hold-up d’Etat”.

“Les tarifs d’électricité vont augmenter pour permettre la concurrence”, dénonce le syndicat.

La question des prix facturés aux ménages figure en effet en toile de fond de la réforme.

Aujourd’hui, le gouvernement peut fixer les tarifs au niveau qu’il juge politiquement acceptable.

Mais le projet de loi prévoit que, d’ici à fin 2015, ces tarifs soient établis par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) et qu’ils intègrent l’ensemble des coûts supportés par les fournisseurs d’électricité.

Selon des hypothèses de travail de la CRE, cela pourrait provoquer une hausse des tarifs de 11,4% puis de 3,5% par an, soit jusqu’à 25% d’ici à 2015.

Réforme ou pas, “on devrait immanquablement assister à une augmentation des prix” dans les années à venir, reconnaît M. Lenoir.