Tunisie : Quand l’Université et l’Entreprise s’ignorent mutuellement

Par : Autres

Ils sont aujourd’hui 125.000 -demain 150.000 peut-être. Les chômeurs de niveau éducatif supérieur sont au centre de toutes nos préoccupations qu’on soit parents, formateurs, employeurs ou simples citoyens. De fait, l’employabilité est un enjeu immédiat et appelle des réponses rapides. Il y a, certes, l’implacable réalité statistique : il y a plus d’étudiants que l’économie locale peut intégrer en masse. Mais au-delà des choix macroéconomiques du pays, au- delà de l’état de la gouvernance économique, une grande part des enjeux de l’employabilité se situe au niveau de la relation Université-Entreprise. A ce titre, deux questions-clé se posent: Comment créer des passerelles pérennes entre le monde universitaire et le cadre professionnel à même de juguler le flot incessant de demandeurs d’emplois de niveau supérieur ? Comment mettre la relation entre entreprise et université au service de l’employabilité?

La réponse à ces questions suppose un diagnostic des relations mutuelles entre l’étudiant, l’université, l’entreprise et l’environnement des affaires. Les pistes pour des conditions plus favorables à l’employabilité des jeunes diplômés découlent naturellement de ce diagnostic.

Responsabilité de l’étudiant et de la famille d’abord

hassenzargouni-0610.jpgA prime abord, il est un constat évident aujourd’hui : nos étudiants manquent massivement d’informations sur le monde de l’entreprise et de son environnement. A qui la faute ? Comment rattraper le coup ? Quel rôle doivent jouer l’établissement universitaire, le ministère de l’Enseignement supérieur, voire de l’Éducation nationale ? Quelle place accorder à la société civile au sein des universités afin de faciliter aux étudiants un meilleur accès au monde du travail ?

Les candidats primo demandeurs d’emplois arrivent actuellement sur le marché du travail avec un marketing individuel défaillant, caractérisé le plus souvent par une rédaction de CV maladroite avec une communication individuelle non professionnalisée dénotant d’une non maîtrise des langues et des outils bureautiques les plus basiques.

Très souvent attirés par le gain facile, la valeur ‘Travail’ est quasi absente dans leur esprit, ces candidats paraissent non suffisamment armés pour conquérir la place qui leur est due : un poste d’emploi ‘stable’ dans une entreprise ‘honorable’. La responsabilité est partagée. Le rôle de la famille est à ce titre central. Elle a produit une génération d’assistés, artificiellement performante et démunie de créativité et d’imagination pour résoudre des problèmes d’ordre professionnel en toute autonomie.

La nécessaire ouverture de l’université sur le monde professionnel et associatif

Pratiquement absente du monde universitaire, l’entreprise tunisienne ne joue pas assez son rôle de parrain, d’encadrement et de canalisation des cohortes d’étudiants. Il est extrêmement rare de trouver des chefs d’entreprise dans l’enceinte des universités, il est tout aussi rare de voir ces étudiants travailler sur des ‘études de cas’ provenant des entreprises tunisiennes ou des groupes de travail sur des projets professionnels encadrés par des professionnels.

Les stages, moment fort de la relation étudiant-monde professionnel, qu’ils soient de découverte de la vie professionnelle, d’initiation ou de fin d’études, ne sont pas ou plus suffisamment sacralisés tant au niveau de l’entreprise qu’au niveau du cursus des étudiants.

D’autre part, on n’assiste pas à une prise en charge globale et proactive de la problématique ‘Entreprenariat et les jeunes’ par les banques de financement de projets à travers une présence forte dans les établissements universitaires et une communication agressive sur les multiples possibilités offertes aux jeunes entrepreneurs en termes de financements et d’accompagnement.

Il est tout aussi regrettable de noter une présence réduite de la société civile et des associations ou organismes professionnel au sein de l’université, et ce ne sont pas les conventions globales signées entre les universités et certains organismes publics, parapublics ou privés qui favoriseraient une meilleure proximité entre entreprises et étudiants, rien ne remplace le ‘one to one’.

Enfin, il est constaté un manque de contacts avec des universités étrangères et programmes d’échanges internationaux d’étudiants, de stagiaires, … à même de développer l’horizon académique et professionnel des étudiants des universités tunisiennes.

Aider les étudiants à valoriser leurs compétences

Ce diagnostic sévère mais réaliste permet d’entrevoir les possibilités d’amélioration de la situation actuelle en termes d’employabilité des diplômés de l’enseignement supérieur. Non, ce n’est pas de la naïveté que d’escamoter l’essentiel du débat autour de la question de l’emploi des cadres en Tunisie, à savoir la problématique de l’environnement des affaires, du financement des marchés et de la croissance tant quantitativement (6%, 8%, …) que qualitativement (structure tirée par l’innovation). Mais en agissant sur le comportement et attitude des étudiants, la gestion des établissements universitaires, les devoirs des entreprises envers le monde académique et la place que doit reprendre le monde associatif au sein de l’université tunisienne, est de nature à améliorer la relation entre entreprise et université au service de l’employabilité.

Plus particulièrement, au niveau de l’étudiant, le défi réside en la manière d’inculquer la valeur ’Travail ‘, l’autonomie, le goût de l’effort et de la performance voire l’audace pour ceux qui veulent s’établir pour leur propre compte. Il s’agit aussi d’aider les étudiants à valoriser leurs compétences par le coaching et le compagnonnage en insufflant la culture professionnelle et entrepreneuriale et la culture tout court (théâtre, cinéma, lecture économique, …). C’est le rôle des établissements de prévoir ce type de dispositif et le rôle des amicales d’anciens diplômés et des associations de soutien à l’emploi et l’auto-développement.

Pour une professionnalisation de l’enseignement

L’université devrait être capable d’éclairer les étudiants sur les métiers de demain, informer sur la demande industrielle et de services avec la publication d’indicateurs d’employabilité par discipline. Il est à ce titre important que les établissements universitaires admettent, outre leur mission de production et de transmission du savoir, de favoriser l’insertion professionnelle des étudiants à la sortie de l’université en professionnalisant l’enseignement octroyé notamment en dernières années. Cela passe par un échange étroit entre l’université et l’entreprise, basé sur l’institution de modules ‘Groupes de travail’, de stages obligatoires et bien encadrés ainsi que la découverte du monde professionnel dans le cursus universitaire par la présence accrue des chefs d’entreprise au sein des universités.

Les jeunes ont besoin de success stories pour rêver et avancer, le parcours exemplaire et aspirationnel d’entrepreneurs tunisiens qui ont réussi dans leurs secteurs respectifs devrait être régulièrement présenté aux étudiants des différentes disciplines.

C’est aussi cela des entreprises socialement responsables.

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