La Banque africaine de développement (BAD) a rendu public son rapport tant attendu sur les perspectives économiques de l’Afrique. Autant dire que ce document tient lieu de discours sur l’état du Continent. Cette étude, qui en est à sa deuxième édition, a été conjointement parrainée et financée par la Commission de l’Union européenne et l’OCDE.
Le rapport est intitulé «Perspectives économiques de l’Afrique», et cet aspect revêt une importance particulière en ces temps d’incertitude sur le retour de la croissance mondiale. Le thème principal du rapport portait sur la «Mobilisation des ressources internes». Il s’agit en l’occurrence de faire ressortir les avantages d’une fiscalité juste et équitable pour motiver les contribuables à renoncer à l’évasion et à s’obliger à une discipline de liquidation de leurs impôts. De même qu’il aborde la question épineuse de l’intégration fiscale du secteur informel, cette plaie de nos systèmes économiques.
La crise a porté un coup d’arrêt à la lutte contre la pauvreté
N’ayons pas peur des mots, les Etats demeurent les principaux agents économiques dans l’ensemble des pays africains. La croissance est leur fait, essentiellement. La crise les a privés de ressources pour financer les plans sociaux. Au final, les Etats ont manqué de ressources pour les plans de lutte contre la pauvreté. A l’évidence, les ‘’Objectifs du millénaire pour le développement’’ (OMD) en seront affectés.
Résilience à la crise : L’Afrique de l’Est finit la course en tête
On en est à dire presque merci à la crise pour avoir établi un axiome économique et financier très pertinent. Dans le panorama continental, le groupe des pays de l’Afrique de l’Est (EADC) s’est-il le moins ressenti des effets de la crise. Le constat est simple. Voici des pays dont les exportations ne dépendent pas exclusivement des recettes des exportations des ressources naturelles. Fini le temps où l’on pensait que les richesses du sous sol sont une panacée et la clé de voûte des programmes de développement et d’émancipation économique.
Quelle belle démonstration pour redonner de l’espoir aux pays. Les pays africains savent désormais que la diversification et la cohérence sectorielle sont un sérieux antidote à la crise et le fondement de la résilience aux chocs extérieurs.
Financement du développement : Mobiliser les ressources internes
Le continent repart avec toujours cette même disparité dans la tonicité des élans de reprise. Il est tout de même dans l’expectative. Or, que nous dit le rapport de la BAD ? En ces temps de marchés troublés, où trouver les ressources pour poursuivre l’effort de développement ? La réponse se fait en deux temps. Il faut compter sur soi. Les pays africains n’ont qu’à doper leurs ressources fiscales. Mais pour cela, il leur faut faire un progrès en matière de gouvernance publique. Le deal est simple : pour se hâter de liquider (payer) leurs impôts, les contribuables ont besoin de constater que les prestations publiques sont en conséquence. Les Etats sont donc implicitement conviés à faire plus en matière de démocratie économique et financière.
La messe est dite. La recette est simple, il faut trouver les moyens pour réformer sans choquer et sans trop secouer les mentalités et les structures. Mais il faut réformer sans arrêt et en profondeur. Bien sûr il restera à savoir élargir la base fiscale en intégrant cette grande partie qui échappe aux Etats qu’est le secteur informel.
Bien souvent en matière de modernité fiscale, l’exemple de la Tunisie a servi à étalonner les réformes attendues et souhaitables. Il est vrai que les budgets publics en matière de financement des infrastructures -qui sont le principal fondement de la politique d’encouragement de l’investissement privé- n’ont pas leur pareil. En ces temps d’incertitude économique avancée, la question prend un relief tout particulier et l’initiative de la Banque fait avancer la cause.
La BAD fait école
La Grand-Dame de la Tour d’Argent de la Rue de la Monnaie a créé une école de pensée économique pour les pays africains. Il est vrai qu’elle a constitué de toutes pièces un soubassement théorique pour apprivoiser une voie africaine pour le développement.
Il y a d’abord eu le rapport du haut panel «Investir en Afrique» jumelé à un deuxième rapport «La BAD au XXIème siècle». Ensuite, la Banque a initié le rapport sur la compétitivité, et de trois elle réédite celui sur les perspectives économiques du Continent. C’est une dot de pensée pragmatique qui est d’une extrême richesse. L’Afrique dispose au bout du compté d’une synthèse des courants de pensée qui ont poussé de-ci de-là, la BAD a eu le mérite de les implémenter aux spécificités africaines. Nous nous souvenons encore de la mise en garde de Joseph Stiglitz, le double prix Nobel américain, en début d’année, contre le primat du marché financier sur l’économie réelle appelant notre attention sur les dangers du modèle néo-libéral.
Il est vrai qu’en ces temps de tumulte économique, le rapport de la Banque vient rappeler l’importance du budget comme rempart de dernier ressort pour garantir la stabilité et même la stabilité des économies. Il fait focus sur la fiscalité et met en avant l’importance de la collecte et du recouvrement des recettes fiscales pour préserver une politique économique publique stable. Il n’a pas accordé à l’épargne des ménages la part qui lui revient dans le financement de l’investissement privé et dans le soutien de la croissance. Cela appelle réparation !
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