Espagne et Portugal : 25 ans d’Europe, et la gueule de bois

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à la veille d’une manifestation le 7 juin 2010 à Madrid (Photo : Dominique Faget)

[10/06/2010 18:20:24] MADRID (AFP) Vingt-cinq ans après leur adhésion fructueuse à l’Europe, le Portugal et l’Espagne se débattent dans une crise majeure qui les désigne comme des maillons faibles de la zone euro et les contraint à avaler une soupe amère d’austérité et de réformes structurelles.

Il semble bien lointain ce 12 juin 1985, jour du rêve devenu réalité pour les deux deux pays ibériques qui signaient le Traité d’adhésion à la Communauté économique européenne (CEE), devenue ensuite l’Union européenne (UE).

Pour ces cousins du sud fraîchement sortis de la dictature et économiquement à la traîne de leurs voisins du nord, l’UE a supposé un formidable double bond en avant: modernisation accélérée et enracinement démocratique.

“En 1981 encore, il y avait une tentative de coup d’Etat en Espagne. C’est aussi impensable aujourd’hui qu’une guerre entre la France et l’Allemagne”, souligne Ignacio Molina, chercheur pour l’Europe à l’Institut Elcano de Madrid.

L’UE a été bonne mère: depuis 1986, l’Espagne, deuxième bénéficiaire de la politique agricole commune (PAC) après la France, affiche un solde positif net de 90 milliards d’euros en fonds européens, “beaucoup plus que l’Allemagne avec le plan Marshall”, relève M. Molina. Le Portugal a lui engrangé 53 milliards de fonds européens.

Les deux pays en ont profité pour se moderniser rapidement: 2.300 km d’autoroutes construits au Portugal, près de 11.000 km en Espagne, trains à grande vitesse, aéroports, métros. Les capitaux étrangers ont afflué. L’Espagne a vu naître des multinationales conquérantes.

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é Luis Zapatero, le 27 mai 2010 à Madrid (Photo : Dominique Faget)

Au Portugal, le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat est passé de moins de 7.000 euros en 1986 à 19.000 euros (76% de la moyenne de l’UE à 27) en 2008. En Espagne, il a bondi de 7.950 euros, à 23.874 euros (103% de la moyenne UE).

Il y a encore deux ans, l’Espagne savourait un “miracle économique” envié, avec ses comptes publics excédentaires, des taux de croissance annuels de 3 ou 4%. Le parfait “bon élève”, attirant des millions d’immigrants.

“On joue dans la Champion League”, se félicitait le chef du gouvernement socialiste José Luis Rodriguez Zapatero. Après avoir rattrapé l’Italie en PIB par habitant, il fixait le cap: objectif France.

Mais la crise financière conjuguée à l’éclatement de la bulle immobilière espagnole en 2008 ont fait exploser les déficits publics (11,2% du PIB en 2009) et le chômage à 20% de la population active, le double de la zone euro.

“Outre les fonds européens, l’UE a apporté beaucoup de stabilité monétaire, des taux d’intérêt bas. L’emprunt facile. Nous pensions que c’était arrivé, qu’il ne restait plus qu’à vivre dans le confort du contexte européen”, explique M. Molina.

“Le Portugal s’est laissé séduire par ces facilités et se retrouve trop endetté”, abonde José da César Neves, professeur de l’Université catholique de Lisbonne. “C’est l’Europe qui va imposer la discipline dont nous avons besoin”, estime-t-il.

Manque de compétitivité, faibles perspectives de croissance: la crise a sonné un réveil brutal pour ces deux pays qui se croyaient à l’abri du parapluie européen dont ils découvrent aujourd’hui qu’il peut se retourner.

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érité, le 29 mai 2010 à Lisbonne (Photo : Patricia de Melo Moreira)

“L’appartenance à l’euro oblige à effectuer l’ajustement de compétitivité de que nous avons reporté pendant la croissance”, juge Juan Carlos Martinez-Lazaro, professeur à la IE Business School de Madrid.

Réforme du marché du travail, des retraites, du système financier, de l’éducation, sur fonds de sévères coupes budgétaires et sociales: les devoirs imposés à des degrés divers à l’Espagne et au Portugal sont douloureux.

Pas de quoi déboucher le champagne aux cérémonies officielles prévues vendredi et samedi à Lisbonne et Madrid pour ces 25 ans d’Europe.