Les marchés pressent la France de faire plus et mieux en matière budgétaire

photo_1276253478078-1-1.jpg
èces en billets de banque en euros (Photo : Koen Suyk)

[11/06/2010 10:53:05] PARIS (AFP) Rassurés par une Allemagne qui donne des gages, les marchés se montrent plus prudents envers la France, qui doit payer plus cher que son voisin pour emprunter, exigeant d’elle plus de visibilité et d’efforts en matière budgétaire.

Pour s’endetter à 10 ans, la France doit régler un taux d’intérêt d’environ 3,1%, contre 2,6% pour l’Allemagne, un écart inédit depuis début 2009.

La totalité des emprunts français sur les marchés s’élevant à 188 milliards d’euros pour 2010, dont 60% aux mains de créanciers étrangers, cela peut représenter un coût annuel de plusieurs centaines de millions d’euros.

La France, avec un déficit public prévu à 8% du Produit intérieur brut en 2010, ne rassure donc pas assez des investisseurs occupés à faire la chasse au mauvais élève budgétaire.

“Les marchés ont commencé à se préoccuper du dernier de la classe, la Grèce, puis ont remonté le classement et même si vous êtes bien classé cela vous rattrape”, estime Bruno Cavalier, chef économiste chez Oddo Securities.

Après l’annonce lundi par Berlin d’un plan de rigueur devant permettre d’économiser 80 milliards d’ici 2014, l’Allemagne a creusé l’écart avec ses partenaires.

La France, elle, n’a annoncé aucun plan détaillé pour réduire ses déficits, “à part un gel des dépenses”, juge Nordine Naam, stratégiste obligataire chez Natixis.

Pour des marchés, “le plan allemand est plus sérieux, plus rigoureux”, explique Philippe Martin, professeur à Sciences Po.

Dans l’entourage de la ministre de l’économie Christine Lagarde, on dit surveiller la situation “avec vigilance”, avec pour objectif de ramener le déficit à 3% en 2013, un effort d’environ 90 milliards d’euros.

Bercy reconnaît néanmoins que pour 2011, “il reste une incertitude sur la croissance”, alors que la France doit faire suffisamment d’efforts pour ne pas refroidir les marchés, sans condamner la reprise économique.

Mais ce qui inquiète les marchés, ce n’est pas tant la capacité de la France à réduire son déficit que le manque apparent de volonté politique.

Cette dimension politique devrait prendre de l’ampleur d’autant que se profile l’élection présidentielle de 2012.

“Dire +demain ça ira mieux+ on l’a fait pendant dix ans en France, ce n’est plus possible”, avertit M. Cavalier, pour qui “les investisseurs n’auront pas la patience de tenir jusqu’en 2012”.

L’annonce de la réforme des retraites le 15 ou 16 juin sera un premier test mais pour beaucoup la France va devoir être beaucoup plus claire quant aux moyens de réduire la dette dans les prochaines années.

L’économiste Philippe Martin pense que le gouvernement “va faire le minimum, réagir à la pression des marchés”.

Mais il faut relativiser les interrogations récentes des marchés. Les titres de dette français restent parmi les plus prisés et le pays emprunte à des taux d’intérêt historiquement bas, bénéficiant comme l’Allemagne, de la meilleure note possible auprès des agences de notation, le fameux triple A.

“Pour l’instant il n’y a pas de risque de dégradation, mais la pression pourrait augmenter”, juge M. Naam.

Depuis la chute de Lehman Brothers en 2008 et la crise de la dette début 2010, “aucun pays ne peut se dire que le AAA est garanti”, souligne M. Cavalier.

Sans compter que si la France était reléguée par les agences en deuxième division européenne, c’est alors la viabilité de la zone euro et du pilier franco-allemand qui serait compromise.