Air Liquide, qui dominait jusqu’ici le marché du gaz industriel, voit débarquer en force l’allemand Linde Group. Un concurrent de poids.
Le 15 juin 2010 constitue un tournant dans l’histoire de l’industrie et du marché du gaz en Tunisie. Ce jour-là marque l’officialisation de l’entrée en production –qui, en fait, a eu lieu en mars dernier- de la nouvelle usine de Linde Gas Tunisie et, par conséquent, la fin du monopole de fait dont bénéficiait jusqu’ici le groupe Air Liquide. Nous allons désormais assister à un duel franco-allemand d’autant plus serrée que le nouvel arrivant n’a rien à envier à Air Liquide.
Linde Group est en effet un des leaders de la production de gaz technique et industriel, souligne l’ambassadeur d’Allemagne en Tunisie. Avec, comme l’a rappelé M. Afif Chelbi, ministre de l’Industrie et de la Technologie, 600 unités industrielles, comptant près de 48.000 employés, dans plus de 100 pays, pour plus de 12 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2009.
Linde Group a fait son entrée en Tunisie à l’initiative du groupe Doghri –«un des plus diversifiés en Tunisie», souligne M. Chelbi. Après avoir repris «une petite unité industrielle de conditionnement et de distribution créée par Mohamed Sahraoui -Tunisie Gaz Industriel (TGI)», le groupe Doghri en a renforcé l’effectif et entrepris la mise à niveau, observe M. Hassine Doghri, un des actionnaires de ce groupe et patron de la Compagnie d’Assurance et de Réassurance Tuniso-Européenne (CARTE).
Convaincus de la nécessité de «repositionner l’entreprise», et, pour ce faire, d’un «partenaire stratégique», les frères Doghri ne sont pas allés chercher très loin. Ils ont sollicité Linde Group dont la filiale algérienne –l’Entreprise Nationale des Gaz Industriels, devenue Linde Gas Algérie, après son rachat par le groupe allemand- était le fournisseur de TGI. Linde Group accepte la proposition, car il a compris que «ce marché, bien que très concurrentiel mérite qu’on s’y intéresse et qu’on investisse», souligne l’ambassadeur allemand.
M. Hassine Doghri se déclare aujourd’hui content d’avoir convaincu Linde Group de «devenir notre partenaire de référence». Tunisie Gaz Industriel devient Linde Gas Tunisie, après que le groupe allemand en a racheté 60% du capital au groupe CARTE en 2008.
La nouvelle unité dans laquelle 24 millions de dinars ont été investis va, selon son directeur général, Walid Rourou, produire entre 30 et 35 tonnes de gaz par jour. Ce qui porte la part de marché Linde Gas Tunisie –qui dispose d’une autre unité à Soliman- à 16%.
Grâce à l’entrée en production de cette deuxième unité, la Tunisie va cesser d’importer de l’oxygène de l’azote –pour près de 2 millions de dinars par an-, souligne Walid Rourou. Mais une partie de la production est aussi déjà exportée en Libye et le serait en Algérie «en cas d’urgence».
Mais «ce n’est là qu’un début. Nous voulons investir davantage et croître rapidement», assure Fabrizio Elia, administrateur délégué de Linde Gas Italie et président de la région Europe-Méditerranée.
En attendant, les responsables de Linde Gas Tunisie ne sont pas peu contents que leur montée en puissance fasse déjà sentir ses effets sur les prix «qui se sont stabilisés». «Allez demander leur avis aux responsables de la direction des prix au ministère du Commerce et à ceux du ministère de la Santé publique», lance plein de confiance un des responsables.