Deux smartphones (Photo : George Frey) |
[17/06/2010 19:40:27] PARIS (AFP) Pour faire face à l’explosion du trafic internet mobile, les opérateurs veulent restreindre l’accès à certains sites, notamment aux plateformes de partage de vidéos, remettant en cause le principe d’un internet identique pour tous ou neutralité d’internet.
Le principe de la neutralité d’internet (network neutrality) signifie que le net est le même pour tous, quel que soit l’endroit d’où l’on se connecte, et le fournisseur d’accès (FAI) que l’on utilise.
Le gouvernement français doit remettre au Parlement un rapport contenant des recommandations au plus tard début juillet. Une première synthèse devrait être présentée vendredi par la secrétaire d’Etat au numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui s’est toujours prononcée jusqu’ici pour un égal accès à tous les sites.
A l’image de leur rival américain ATT, distributeur exclusif de l’iPhone aux Etats-Unis, France Télécom (Orange), SFR et Bouygues Telecom affirment avec force chiffres que ce principe est mis à mal par le succès des nouveaux terminaux mobiles (smartphones et tablettes).
Ceux-ci ont engendré de nouveaux usages du portable (vidéo, streaming…), dopant fortement la consommation de l’internet mobile au point de saturer les réseaux.
L’opérateur historique France Télécom indique par exemple que le trafic internet mobile a plus que doublé sur son réseau entre 2008 et 2009.
Chez SFR, près de la moitié (8) des 20 millions de clients abonnés au mobile est active sur internet, assure un porte-parole du deuxième opérateur français.
Pour éviter une interruption des réseaux, les opérateurs estiment qu’il faut les moderniser en investissant dans de nouveaux équipements et dans le très haut débit (réseau 4G …).
Seul hic, Orange, SFR et Bouygues, qui font valoir que le secteur des télécoms connaît une croissance molle, ne veulent plus être les seuls à mettre la main à la poche.
“Les choses ne peuvent pas continuer comme avant”, résume Eric Debroeck, directeur des affaires réglementaires chez Orange.
Actuellement Orange affirme investir 3 milliards d’euros pour gérer son réseau mobile par an et SFR 1,4 milliard.
Opérateurs, consommateurs et fournisseurs de contenus (Google, Youtube, Facebook, Dailymotion, eBay…), dont les services sont trop gourmands en bande passante, doivent se partager la facture, plaident les premiers.
La quote-part des consommateurs pourrait être la disparition des forfaits illimités. Les opérateurs souhaitent proposer différentes gammes de forfaits : premium avec des débits plus rapides et plus chers, et entrée de gamme pour la consultation des courriels.
C’est comme si une société d’autoroutes était autorisée à réserver une voie express à certains automobilistes privilégiés, ou à bannir tel ou tel modèle de voitures, dénoncent les fournisseurs de contenus et des collectifs citoyens.
“Si un site est bloqué, son éditeur est le premier pénalisé, perdant audience, recettes publicitaires et réputation”, argue Giuseppe de Martino, président de l’association des services Internet communautaires (Asic) et directeur juridique de DailyMotion.
SFR et Orange bloquent actuellement l’application Skype, permettant de passer gratuitement des appels sur internet.
“On va aller vers une balkanisation d’internet avec des sfrnet, orangenet. C’est contre la liberté de communication et le principe même d’internet”, avertit le fondateur du Collectif La Quadrature du net, Jérémie Zimmermann.
L’Asic, qui regroupe la plupart des grands noms des fournisseurs de contenus en France, affirme que 40% des dépenses de ses membres vont déjà au développement des réseaux.
“Si les opérateurs veulent qu’on participe davantage, qu’ils nous fassent partager le gâteau de leurs abonnements”, lance M. de Martino.