Jean-Marie Messier au tribunal correctionnel de Paris le 2 juin 2010. (Photo : Bertrand Langlois) |
[18/06/2010 17:44:45] PARIS (AFP) Ils attendent ce moment depuis huit ans: des petits porteurs de Vivendi Universal (VU) ont demandé vendredi au tribunal correctionnel de Paris de condamner Jean-Marie Messier et ses collaborateurs à leur payer la note de la débâcle boursière du groupe.
Sans eux, le procès de “J2M” ne se serait sans doute jamais tenu. Les actionnaires du groupe de médias et communication sont à l’origine de la première plainte déposée à l’encontre de l’ancien PDG, dans la foulée de sa démission forcée en juillet 2002.
Sans eux, sans leurs avocats, les débats auraient mis les prévenus à l’abri de la moindre contestation: le parquet – dans le sillage du non-lieu requis lors de l’instruction – a annoncé qu’il ne demanderait pas de sanctions à l’encontre de M. Messier et ses six co-prévenus.
Ils sont aujourd’hui environ 300 parties civiles à la procédure, 300 particuliers, “des gens de toutes origines (…) sans animosité à l’égard de qui que soit”, mais qui “attendent des réponses judiciaires”, a rappelé Me Frédérik Karel-Canoy, qui défend une soixantaine d’entre eux.
Leur préjudice se résume en deux chiffres et deux dates brandis par l’avocat: 10 mars 2000, le cours de Vivendi tutoie le record de 140 euros; 16 août 2002, l’action s’est effondrée à 8,62 euros.
Entre les deux, le groupe, lancé dans une course d’acquisitions tous azimuts pour constituer un géant des médias, s’est trouvé confronté à une grave crise de liquidités et de défiance des marchés vis à vis de son dirigeant charismatique mais trop flambeur à leur goût.
éfenseur de petits actionnaires de Vivendi, le 2 juin 2010 à Paris (Photo : Bertrand Langlois) |
Pour Charles Nabet, un salarié de VU parti en pré-retraite en 2002 en tablant sur le petit matelas d’actions dans lesquelles son employeur lui avait proposé d’investir une partie de ses primes, le réveil a été brutal: plus de 8.000 euros de perte et des projets bousculés, a expliqué aux juges son avocat, Me Philippe Valent.
L’aléa boursier, son client était prêt à l’assumer, a poursuivi l’avocat, mais “pour une seule raison: la confiance qu’il avait dans la direction de son entreprise”.
“Il pensait que les dirigeants de Vivendi lui délivraient une information sincère et loyale, ce n’était pas le cas”, a déploré Me Valent.
Jean-Marie Messier est poursuivi, sous le chef de “communication d’information fausse ou trompeuse”, pour avoir diffusé des communiqués mensongers sur la santé financière du groupe.
Il comparaît également pour abus de bien social et “manipulation de cours”.
Pour Me Canoy, la perte subie a un prix précis: il réclame solidairement aux sept prévenus -d’anciens hauts responsables de Vivendi pour l’essentiel- 160 euros par action au titre du préjudice matériel et 10 euros par action au titre du préjudice moral.
Me Canoy réclame également la condamnation du groupe Vivendi, pourtant partie civile au procès, au titre de sa responsabilité civile.
“Contrairement à ce que l’entreprise prétend, elle n’est pas du côté des actionnaires, elle n’a aucune considération pour eux”, a critiqué l’avocat.
Attaque inacceptable pour le conseil de Vivendi, Me Hervé Pisani, qui a plaidé afin de défendre “l’honneur” de l’entreprise.
“C’est pour prendre part à la manifestation de la vérité (…), pour tourner la page, pour que les salariés ne reçoivent plus ce petit sourire narquois quand ils citent le nom de leur employeur, que nous nous sommes constitués partie civile”, a exposé l’avocat.
A ses yeux, plusieurs des infractions reprochées à Jean-Marie Messier ne sont pas constituées. Un thème que reprendra la défense de J2M après le réquisitoire du parquet prévu mercredi prochain.