Honda : les grévistes chinois de retour au travail à contre-coeur

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La filiale Honda de Foshan, dans le sud de la Chine, le 17 juin 2010 (Photo : Str)

[20/06/2010 11:14:53] FOSHAN (Chine) (AFP) Li a accepté les hausses de salaire proposées par une filiale de Honda en Chine et a repris le travail mais à contre-coeur, jugeant la paye toujours insuffisante et les vapeurs respirées à longueur de journée toujours aussi dangereuses.

Il ne donnera pas son nom complet, de peur de perdre son emploi. Mais le jeune homme de 26 ans n’hésite pas à faire part de son ressentiment d’avoir obtenu si peu de la grève chez Foshan Fengfu Auto Parts qui fabrique des pots d’échappement pour Honda, un des récents mouvements en Chine touchant des entreprises étrangères.

“On touche à peine 10 yuans (1,18 euro) de l’heure, alors que les ouvriers de l’automobile au Japon ou aux Etats-Unis gagnent jusqu’à 50 fois plus”, se plaint-il.

Dans l’usine qui l’emploie depuis deux ans, les ouvriers gagnent désormais un salaire de base de 1.500 yuans (178 euros), soit 300 yuans de plus qu’avant la grève, ce qui reste trop juste pour vivre, payer logement et nourriture. En fait, pour survivre, il faut des heures supplémentaires, explique Li.

Par ailleurs, la grève n’a rien changé aux conditions de travail dans un environnement enfumé dont les travailleurs craignent qu’il ne soit toxique.

“Nous respirons cet air empoisonné toute la journée. Nous voulons de meilleurs contrôles dans les ateliers et des bilans de santé. L’usine doit assumer ses responsabilités”, vitupère le jeune homme.

Li est un ouvrier typique du sud industrialisé de la Chine: jeune, venu d’une pauvre communauté rurale même s’il est originaire de la province même, le Guangdong.

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à Foshan, dans le sud de la Chine (Photo : Str)

Ces bataillons de jeunes ruraux pauvres, qui ont permis à la Chine de devenir une puissance industrielle, s’estiment aujourd’hui exploités par leur propre gouvernement et les compagnies étrangères.

La montée du mécontentement, qui fait écho à d’autres périodes d’agitation sociale, semble avoir toutefois été assez entendue par les autorités pour qu’elles appellent à un meilleur traitement des travailleurs et des hausses des salaires minimum.

Sans convaincre Li: “le gouvernement veut empêcher les salaires de grimper” par peur d’effrayer les entreprises étrangères installées en Chine notamment pour profiter de la main d’oeuvre bon marché.

“Il parle bien mais agit contre nos intérêts”, ajoute-t-il, quelques jours après que le Premier ministre Wen Jiabao eut qualifié les travailleurs migrants de “gloire de la nation”, mais aussi après l’envoi de la police anti-émeutes et de paramilitaires pour réprimer des manifestations dans une usine à capitaux taiwanais de la province du Jiangsu (est).

Dans l’entreprise voisine Foshan Honda Auto Parts Company, l’une des premières à s’être mise en grève, les employés jugent aussi loin de leurs demandes les hausses de 24% consenties par la direction. L’usine a promis de relever les salaires mensuels à 1.900 yuans.

Ils incriminent la centrale syndicale unique, sous le contrôle du parti communiste.

“On n’a pas eu le droit d’élire nos propres représentants”, souligne un travailleur sous le couvert de l’anonymat.

“Le syndicat n’a jamais représenté nos intérêts fondamentaux. On ne sait pas qui est notre représentant, qui l’a choisi ni pourquoi il négociait en notre nom!”, relève-t-il.

Ces griefs semblent assez largement répandus et anciens, chez les organisations de défense des travailleurs et les travailleurs eux-mêmes.

Les conditions de travail se sont améliorées ces dernières années et davantage d’ouvriers bénéficient d’une couverture sociale. Mais la question des salaires reste aiguë.

“La position des entreprises c’est que si vous n’aimez pas la paye, d’autres viendront vous remplacer”, dit Chen, employé d’Ichikoh Valeo Auto Lighting Systems, une compagnie à capitaux étrangers de Foshan, où le salaire de base de 1.000 yuans est passé à 1.300 après une grève.