En Tunisie, les discours sur l’emploi des diplômés du supérieur se succèdent et se répètent sans apporter une réponse adéquate à cette problématique. Il faut reconnaître que la tâche est loin d’être aisée. Lorsqu’on sait que sur une demande additionnelle annuelle estimée à 82 mille, il est quasiment impossible de satisfaire la demande d’embauche des 60 mille nouveaux diplômés qui arrivent, chaque année, sur le marché du travail.
A la base, les secteurs économiques, en l’état actuel des choses, emploient très peu de diplômés du supérieur : 14% de l’emploi total. En plus clair, sur une population active de 3,1 millions, 86% des employés ont un niveau d’étude inférieur au baccalauréat.
Selon des statistiques fournies par l’Institut national des statistiques (INS), le seul secteur où les cadres constituent plus de la moitié des employés est le secteur des banques-assurances (57%), suivi de celui de l’administration-éducation-santé (43%), l’immobilier (25,6%), les mines (25,5%) l’industrie chimique (23%).
Décryptage : C’est le secteur public qui emploie le plus de cadres et de diplômés du supérieur que le secteur privé.
Mention spéciale pour la faible part du secteur manufacturier dans l’emploi des diplômés du supérieur. 92,5% des employés de ce secteur n’ont pas le bac.
Reste à savoir pourquoi ce secteur qui attire jusqu’ici le plus net des investissements n’embauche pas assez de cadres.
Pour M. Ndiamé Diop, représentant-résident de la Banque mondiale en Tunisie, deux facteurs expliquent cet état de fait : la structure basique de ce secteur et l’emploi d’une main-d’œuvre peu qualifiée.
Et M. Diop d’ajouter : «A titre indicatif, le secteur textile a été limité jusque-là à l’assemblage de pièces envoyées par des clients européens pour sous-traitance confinée à la confection». A ce niveau de spécialisation, la plupart des activités dévolues au sous-traitant peuvent être effectuées par une main-d’œuvre ne nécessitant pas un diplôme d’enseignement supérieur. L’activité est intensive en main-d’œuvre et les sous-traitants sur ce segment de la chaîne de production n’obtiennent qu’une part très réduite de la valeur ajoutée des vêtements produits. Dans le processus de production jusqu’à la vente, la sous-traitance est la composante qui hérite la plus faible marge globale réalisée tout au long du processus de transformation».
La solution consiste donc à remonter sur la chaîne de valeur et à ne plus compter sur les filières basiques utilisant une main d’œuvre peu qualifiée, et surtout, incapable d’absorber l’ensemble des nouveaux demandes d’emploi des diplômés du supérieur…
Au plan macroéconomique, la solution ne peut être que structurelle. Il s’agit de migrer, dans les meilleurs délais, vers une croissance tirée par l’innovation et, partant, vers une économie à valeur ajoutée plus élevée et à forte intensité de savoir.
Les structures de promotion du site Tunisie commencent déjà à promouvoir, auprès des investisseurs étrangers, l’offre technologique tunisienne. La récente 12ème édition du Forum de Carthage s’est attelée à le faire devant un millier de participants.
L’enjeu est de taille. Les sociologues, tout comme les économistes, le savent bien. Les implications socioéconomiques d’un taux de chômage élevé des diplômés du supérieur peuvent compromettre à long terme la croissance et le développement. Celles-ci peuvent freiner l’investissement dans l’éducation et induire un sentiment de gaspillage des ressources publiques.
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