Les étudiants de l’Ecole des Sciences et Techniques de Tunis (ESSTT) ne sont pas des managers nés, ils ne sont pas non plus des designers et ne se prennent certainement pas pour des entrepreneurs. Ils suivent des spécialités de physique, chimie, mécanique ou électrique. Leur avenir est tout tracé, ils seront ou bien des professeurs, des techniciens supérieurs, des ingénieurs ou encore des chercheurs. L’entrepreneuriat ? La création de projets ? L’innovation ? Ils ne savaient pas ce que c’était avant que Sife ne débarque dans leur école et dans leur vie. Ils se sont tout d’un coup découvert des talents et des vocations. Des talents pour créer, innover et des vocations pour encadrer, rassurer et former.
Leur objectif ? C’est d’aller au secours des artisans, les artisans partout sur le territoire national et dans n’importe quelle spécialité. Ce qu’ils veulent, c’est répandre l’espoir tout autour d’eux, donner de l’espoir à ceux qui n’en ont pas ou n’en ont plus. A commencer par les artisans qui ont vu leurs métiers péricliter d’un jour à l’autre, aux jeunes qui, au lieu de voir la vie en rose, la voient plutôt en gris et dans certains cas en noir. A ceux-là, les jeunes étudiants de l’ESSTT veulent offrir de l’espérance, de la confiance et de la foi.
Les projets : Taguis Meuble, Ecowin, Educationnal Street et Sabat come back.
Le premier consiste à encadrer des artisans dans des régions enclavées telles celle Dgech dans le Sud tunisien. Il s’agit de dispenser une formation à un artisan menuisier pour que, à partir des déchets des palmiers, il fabrique des objets de décoration et des meubles. Le financement ? Les jeunes étudiants sont allés le chercher chez Enda qui a adhéré à leur projet en se faisant leur partenaire pour le lancement de «Taguis Meubles». Une appellation qui évoque les Kabyles, les Touaregs également pour rester dans l’ère du Sud tunisien très imprégné de la culture berbère. Résultat, grâce à la jeune équipe, l’artisan menuisier, qui était complètement démuni, a pu monter une petite affaire qui lui a permis de réaliser un chiffre d’affaire de 1.300 DT en deux mois grâce à l’exposition de ses objets dans cinq boutiques. D’une pierre deux coups, cette initiative a permis à un chômeur structurel de trouver une source de subsistance et a œuvré pour la récupération des palmes qui portaient atteinte à l’environnement. Mieux encore, les négociations vont bon train avec Enda pour l’acquisition d’un nouveau prêt de 1.500 DT qui permettra à notre artisan réinséré dans le circuit économique de participer à la foire de l’artisanat. Deux ouvriers seront recrutés pour l’occasion, et de 3 pour l’emploi !
Etant dans la logique de la récupération, les étudiants de l’ESSTT ont décidé de créer une entreprise pour la récupération et la valorisation des cannettes en aluminium en se basant sur le tri sélectif en amont. Ils se sont ainsi entendus avec des propriétaires de salons de thé pour récupérer les cannettes. Ils leur ont offert de grandes poubelles consacrées à la collecte des cannettes adaptées aux besoins environnementaux, cannettes qu’ils utiliseront avec des pulls-up pour créer des bijoux et des accessoires féminins. Ils se sont ensuite mis d’accord avec le centre de recyclage de canettes de Sfax pour procéder à l’opération de réadaptation. Cette activité sera cédée à des jeunes en chômage formés à créer les bijoux et accessoires et à les commercialiser, c’est de l’ecowin.
Le métier de cordonnier serait-il en voie de disparition ? Pas de risque car les étudiants de l’ESSTT ont pris sur eux de revaloriser ce métier et de développer les activités d’un artisan de la chaussure, ce qui, d’après eux, «permettrait de relancer cette activité étouffée, de donner de l’assurance à l’artisan et des astuces pour qu’il tire le meilleur de son art». Une formation a été donc dispensée à un petit cordonnier à «El Hafsia», et d’après eux, «ça a vraiment l’air de marcher pour lui». Eh oui, apparemment, il est envisageable que le «sabbat will come back»…
Allant plus loin dans leur volonté de transmettre aux petits commerçants l’éthique des affaires, 25 étudiants de l’ESST se sont portés volontaires pour administrer aux gérants des boutiques de la rue d’Athènes à Tunis et ceux d’une rue commerçante à Hammam-Lif, les ABC de l’éducation financière et développer chez eux les compétences nécessaires pour accéder à l’autonomie financière. «Ce n’était pas facile de communiquer avec eux et de les convaincre, vous nous imaginez discuter avec des commerçants qui ont tout appris sur le tas et qui ne croient pas aux vertus du management moderne, en débattre avec eux ? Au début, c’était comme si on leur parlait chinois, et puis petit à petit, certains d’entre eux se sont laissés convaincre… Nous sommes fiers de cette modeste réalisation», a précisé Asma Ghodbane, Project Manager du groupe.
Et comme pour toute réalisation, l’espoir de voir les choses changer dans le bon sens et de tester notre capacité au changement représente le moteur de toute entreprise, les étudiants de l’ESST ont décidé de créer un «Hope poster» pour dire que grâce à l’esprit d’initiative, à l’imagination, à la volonté de bien faire et de bien agir, rien n’est impossible. Un poster qui a été affiché dans le Grand Tunis et dans toutes les représentations de Enda.
Les changements fondamentaux sont toujours venus d’individus qui prêtaient attention aux autres, assure le philosophe finlandais
Pekka Himanen. Ghandi, pour sa part, disait que les systèmes économiques qui négligent les facteurs moraux et sentimentaux sont comme des statues de cire : ils ont l’air d’être vivants et pourtant il leur manque la vie de l’être en chair et en os.
Les étudiants de Sife essaient, à travers ce programme, d’aider par des initiatives individuelles à améliorer la vie des autres et moraliser une économie qui, en étant l’élixir de beaucoup, peut se transformer, quand elle perd sa dimension humaine, en un cancer dévorant tout ce qui qu’il y a de beau et de bon en nous.
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