La Bourse de New York le 17 mai 2010 (Photo : Spencer Platt) |
[04/07/2010 08:26:20] WASHINGTON (AFP) La réforme de la régulation financière aux Etats-Unis, ambitieuse selon ses promoteurs mais adoucie par des compromis de dernière minute, laisse à Wall Street une latitude certaine pour maintenir les activités qui ont fait sa puissance.
“La fête est finie” pour les banquiers de Wall Street, lançait mercredi la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi, avant l’adoption de ce texte de plus de 2.000 pages par son assemblée.
Mais son interprétation n’était pas unanimement partagée.
“Si nous régulons trop nos marchés, nous pousserons les investisseurs à aller ailleurs, faisant ainsi perdre des milliers d’emplois à New York et une source essentielle de revenus. C’est tout simplement quelque chose que je ne pouvais pas laisser faire”, soulignait le lendemain sur la chaîne Fox Business le représentant démocrate Michael McMahon, qui représente Staten Island, un quartier de New York.
Il était même allé plus loin avant le vote, déclarant que le texte représentait “un compromis qui est bon pour Wall Street”.
“Je ne pense pas que la réforme va réformer Wall Street de quelque manière que ce soit (…). Oui il y a quelques ajustements réglementaires dans ce projet de loi, mais non, cela ne change pas la nature de son activité”, indiquait vendredi à la chaîne câblée GRITtv Nomi Prins, une ancienne de Goldman Sachs, très critique envers le secteur financier.
Les détails du projet, qui doit être voté par le Sénat vers la mi-juillet, laissent en effet la possibilité aux géants de la finance américaine de garder le coeur de leur modèle économique.
Alors que toute la philosophie de la loi est d’éviter de nouveaux sauvetages par les fonds publics, les parlementaires ont supprimé in extremis une taxe qui aurait permis de lever 19 milliards de dollars pour garnir un fonds de liquidation.
La loi contient bien la mesure appelée “règle de Volcker”, qui interdit aux banques de spéculer pour leur propre compte sur les marchés financiers. Mais son application attendra plusieurs années.
L’interdiction prévue de contrôler ou soutenir un fonds spéculatif a été finalement édulcorée: les banques pourront y consacrer jusqu’à 3% de leurs fonds propres “durs”, soit les sommes les plus faciles à mobiliser en cas de coup dur.
La loi tente de faire contrôler l’immense marché des produits dérivés par les autorités. Mais des exceptions sont prévues.
Le fonctionnement quotidien des agences de notation ne devrait pas être révolutionné. Le gendarme boursier américain (SEC) doit étudier les évolutions possibles.
L’architecture de la régulation est peut-être le changement le plus sensible.
Certes, alors que la multiplicité des autorités de régulation a été régulièrement désignée comme une des causes de leur manque de vigilance, il n’y en a eu qu’une de supprimée, et deux ont été ajoutées (Bureau de protection financière des consommateurs et Conseil de surveillance de la stabilité financière). Mais toutes les plus grandes institutions financières (plus de 50 milliards de dollars d’actifs) seront désormais sous la coupe de la banque centrale (Fed).
Sera-t-elle plus sévère contre les excès spéculatifs que lors des années qui ont mené à la crise financière? Les nombreux ennemis que s’est faits la Fed restent persuadés que non.
“Le diagnostic le plus faux est de présumer que l’Etat n’avait pas assez de pouvoir pour éviter la crise. La banque centrale avait le pouvoir d’éviter les excès monétaires qui ont accéléré l’explosion du marché immobilier”, soulignait jeudi un professeur d’université de Stanford, John Taylor, dans le Wall Street Journal.