La Bourse de Casablanca est aujourd’hui la première place financière du Maghreb et la troisième du continent africain. Son directeur général, Karim Hajji, ambitionne d’attirer 75 nouvelles entreprises d’ici 2015 pour atteindre le nombre de 150 sociétés cotées. La capitalisation de la Bourse de Casablanca a été multipliée par cinq durant les dix dernières années.
Karim Hajji s’est prêté gentiment à notre jeu de questions/réponses à propos de l’intégration financière maghrébine suite à la double cotation d’Ennakl sur les deux places boursières de Tunis et de Casa. Entretien.
Webmanagercenter : Comment appréciez-vous cette première opération de double cotation ?
Karim Hajji : Cette double cotation représente une première étape dans la facilitation de l’intégration des marchés financiers tunisien et marocain, et à terme, nous l’espérons algérien, libyen et pourquoi pas mauritanien. La double cotation permet aux investisseurs de différents pays de la région de bénéficier des investissements qu’offre un des pays, ce qui revêt une importance certaine dans la dynamisation de l’économie.
Pensez-vous que les marchés tunisien et marocain sont arrivés à maturité au niveau des réglementations et procédures pour permettre une plus grande souplesse et rapidité des échanges des flux financiers entre les deux places ?
La double cotation est un premier pas hautement symbolique. Il prouve l’engagement des plus hautes autorités politiques en Tunisie et au Maroc à encourager l’intégration des marchés financiers entre nos deux pays. Maintenant, est-ce suffisant ? Non. Je dirais que c’est tout simplement le déclenchement du processus. Il y aura d’autres évolutions que nous verrons certainement dans les années qui viennent. La première est que les titres cotés sur Casa ou Tunis pourraient être traités indifféremment sur une place ou une autre.
Quel intérêt d’une double cotation lorsque les compartiments restent cloisonnés à cause des réglementations de change dans les deux pays ?
Ce n’est qu’un début, la finalité est de pouvoir avancer encore plus vers des réalisations beaucoup plus importantes que nous espérons concrétisées par une convertibilité totale et la possibilité pour les investisseurs des deux pays d’intervenir librement sur les marchés de l’un ou de l’autre. Nous espérons atteindre le même degré au niveau de la liberté des échanges financiers que celui atteint au niveau de celui des échanges des biens et des services entre le Maroc et la Tunisie*.
Malgré le fait que les marchés restent cloisonnés ?
Bien évidemment. Une entreprise tunisienne qui émet des actions sur la place de Casa pourra lever des fonds, elle n’a aucun problème à le faire, c’est au niveau des investisseurs que le cloisonnement pourrait poser problème. A titre d’exemple, un investisseur étranger souhaiterait avoir un seul prix pour ses actions de manière à ce qu’il puisse, à la fin d’un exercice, valoriser son portefeuille de manière semblable et non pas avoir à choisir entre deux bourses. Mais pour un investisseur marocain ou tunisien, je ne vois pas où le problème se poserait.
Comment voyez-vous sur le plan pratique la concrétisation d’une intégration financière effective entre les deux pays ?
Je voudrais saluer le taux de souscription qui a été remarquable au niveau du marché de Casablanca pour les actions Ennakl. Les actions ont été souscrites 11 fois, ce qui démontre un intérêt évident de la part des investisseurs marocains pour la valeur Ennakl et la confiance qu’ils placent dans une entreprise tunisienne cotée au Maroc. C’est très encourageant pour une plus forte intégration financière entre les deux places.
Devrions-nous envisager pareille opération de la part d’entreprises marocaines sur la place de Tunis ? Et quel est l’impact d’une telle opération sur le marché entrepreneurial dans la dynamisation des investissements et la levée des fonds ?
C’est tout à fait possible que certaines de nos entreprises s’intéressent à la place boursière tunisienne. D’autre part, pareille opération revêt un intérêt certain pour tous les opérateurs, qu’ils soient tunisiens ou marocains, pour lever des fonds indifféremment sur les deux places. Le marché des capitaux marocain est un marché relativement développé en Afrique du Nord. Des entrepreneurs tunisiens pourraient, demain, venir lever des fonds à Casablanca. Pour l’entreprise, ce genre d’opération multiplie les possibilités de financement. Au lieu de se limiter à une seule place boursière, elle peut faire appel à l’épargne marocaine, ce qui n’est pas négligeable.
L’introduction d’Ennakl à la Bourse de Casa est la première depuis 2008. Est-ce le signe du redémarrage ?
Nous avons un certain nombre de dossiers en cours de traitement et nous espérons réaliser quelques introductions importantes d’ici la fin de l’année. Pour notre part, nous nous félicitons que la première introduction à la Bourse de Casa au bout de deux ans soit tunisienne ; c’est un signal très fort qui, pour moi, augure d’un bon redémarrage pour nous.
Sur la Bourse de Casa, y a-t-il d’autres doubles cotations à part celle d’Ennakl ?
Nous avons des entreprises marocaines cotées sur les places financières internationales, mais à part Ennakl, nous n’avons pas d’autres entreprises non marocaines à être cotées sur la place de Casa.