C’est officiel : cinquante ans après la fermeture, durant les années soixante, du dossier d’extraction de l’uranium du phosphate, la Compagnie de phosphate de Gafsa (CPG) et le Groupe Chimique Tunisien (GCT) viennent de recevoir le feu vert pour développer la recherche sur ce créneau fort sensible. L’objectif est de produire de l’uranium à partir du phosphate et de l’acide phosphorique. Les deux entreprises ont signé, à cette fin, deux contrats-programmes avec le ministère de l’Industrie et de la Technologie. Portée d’un contrat.
Empressons-nous de signaler pour ceux qui l’ignorent encore. L’uranium, ce métal gris, peut être extrait en tant que minerai seul ou en tant que sous-produit de l’extraction d’or, du cuivre et du phosphate.
Ce minerai ne manque pas dans le monde, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Les réserves d’uranium, qui dépassent largement 85 ans de consommation au rythme actuel, peuvent être portées à 675 ans pour peu qu’on intensifie l’extraction d’uranium du phosphate.
Pour revenir aux contrats-programmes signés entre les deux groupes tunisiens, ils s’inscrivent dans le cadre de la stratégie nationale visant à amener l’ensemble des entreprises à contribuer à la migration de l’économie du pays vers «une économie à contenu technologique élevé, amie de l’environnement, économe en énergie et innovante».
Concrètement, les entreprises nationales sont tenues, en vertu de cette stratégie, de consacrer 1% de leur chiffre d’affaires au financement de la Recherche&Développement.
La Tunisie, 3ème producteur du monde de phosphate avec une moyenne de production de 8 millions de tonnes par an, a trois bonnes raisons pour extraire de l’uranium du phosphate : réduire sa facture pétrolière, satisfaire les besoins en uranium de sa future centrale nucléaire civile et en exporter.
Il y a tout d’abord, la problématique du prix du pétrole qui ne cesse de fluctuer : la flambée des prix des hydrocarbures (une moyenne de 100 dollars le baril, actuellement, contre 10 dollars en 2001) et de l’uranium (plus de 40 dollars la livre, actuellement, contre 10 dollars en 2003).
Conséquence : l’uranium se trouve revalorisé, son extraction devient du coup rémunératrice et se positionne comme une alternative aux hydrocarbures.
Vient ensuite le besoin d’approvisionner la future centrale nucléaire que la Tunisie compte réaliser vers 2025. La Tunisie, tout autant que d’autres pays émergents, a fait le choix de s’engager dans l’énergie électronucléaire à des fins civiles. Elle a programmé pour 2025 la réalisation d’une centrale civile d’une capacité moyenne de 900 mégawatts.
Last but not least, la Tunisie pourrait exporter ce minerai d’autant que la plupart des pays voisins ont programmé, à moyen terme, la réalisation de centrales nucléaires pour la production de l’électricité. La Tunisie a tout intérêt à optimiser l’exploitation multidimensionnelle de son uranium d’autant que l’image du nucléaire dans le monde s’est nettement améliorée et que la sécurité dans ce domaine a fait beaucoup de progrès.