Le service financier est en ébullition. Du mouvement est perceptible là où d’habitude personne n’entend un bruit et surtout pas des informations. Pardi. C’est le saint des saints de la Boîte.
Mais ce jour-là on voit le chef de service monter les étages, descendre et remonter avec ses dossiers sous les bras, son adjoint est tantôt à la photocopie, tantôt courant dans les escaliers un document à la main à la suite de son chef ; même la très discrète Mlle Meriem, secrétaire du service, est de la partie …
Et l’information ne tarda pas à tomber à travers les fils du téléphone arabe, arabe mais technologique bien sûr.
Il part en voyage à l’étranger. Il, c’est le Big Boss évidement, car chez nous c’est toujours Lui qui part, et si des fois quelqu’un d’autre part quelque part, c’est encore Lui, puisque c’est Lui qui décide de qui part ou ne part pas. Ce n’est pas évidement pour le goût du voyage, mais il y va de l’image de marque de la Boîte, et évidement à part Lui, ou celui qu’il désigne, personne d’autre ne peut prétendre bien présenter l’image de la Boîte.
La deuxième question qui se pose dans ce genre de cas est de savoir la composition officielle de l’équipe qui accompagnera le Big Boss afin de bien le seconder, de lui préparer les dossiers des différentes réunions à tenir et de veiller à ce que son voyage se passe dans les meilleures conditions.
Cette question est vite élucidée puisque immédiatement les passeports de certaines personnes sont demandés et les demandes de visas promptement dressées aux ambassades concernées dans les meilleurs délais.
Tout doit être fait dans l’ordre et dans les temps, et c’est pour ça qu’il y a le feu au service financier. Bien sûr, car il faut acheter les billets d’avion, calculer les sous nécessaires pour les dépenses du Big Boss et de ses subordonnés, réserver les hôtels, et veiller à ce que tout se fait comme il se doit.
Entre temps, d’autres services sont contaminés par la nervosité régnante et par les curieux qui veulent toujours tout savoir. Par exemple, si Mlle Hana, la dernière assistante en date du PDG, est du voyage et si M. «Le Couffin» lui a pris son passeport puisque celui-là, spécialisé dans la tâche de majordome du Big Boss, connaît toujours le fin mot de l’histoire, chargé qu’il est des visas, des billets, des valises et des accompagnateurs du PDG.
Avant la pause de midi, nous sommes enfin en possession de la dernière version de l’histoire avec les détails croustillants qui la pimentent. Le voyage est effectivement un voyage de travail puisqu’une lettre est envoyée dans ce sens aux autorités compétentes que notre prévoyant PDG ne manque pas d’informer de ses moindres faits et gestes à l’étranger. Patriotisme oblige ! Cependant, on peut toujours joindre l’utile à l’agréable, et le Big Boss s’est fait accompagner par Madame La Mère et ses deux enfants surtout que l’aînée prépare son mariage proche… Du coup, il y a bien sûr du rififi dans l’air entre le Directeur de la Coopération et le Directeur Général, éternel accompagnateur du PDG, pour savoir qui des deux se fera élire compagnon de voyage et qui assurera l’intérim du Maître en son absence.
Ainsi en est il des grands voyages que notre Big Boss se dépense à accomplir pour le bien de l’entreprise et de ses employés.
Publié sur WMC Le Mag n°13