«Nous avons un système d’excellence qui forme les élites, et pour les autres on applique une version dégradée du même enseignement», constate Mohamed Jaoua, lors du récent forum de l’ATUGE. Qui recommande de former autrement, pour réduire les «déchets» du système et rendre ses produits plus conformes à la demande du marché.
Le système éducatif tunisien produit de «grosses» pointures, des cadres à haut potentiel, que les multinationales se disputent et auxquels ces dernières jettent des ponts d’or pour en attirer le plus grand nombre. Mais le même système éducatif génère également beaucoup de déchets, c’est-à-dire des jeunes qui soit finissent par abandonner leurs études ou les mènent à bout pour se présenter à la fin au marché du travail avec un diplôme et des compétences qui ne répondent pas à la demande. Si le taux d’abandon scolaire –pour le premier cycle de l’enseignement de base, il est passé de 6,9% en 1991 à 1,7% en 2004- est en train de baisser sensiblement, le nombre de diplômés du supérieur au chômage a déjà atteint 80.000 et est en train littéralement d’exploser, suivant en cela le nombre d’étudiants, passé de 44.000 en 1987 à près de 400.000 aujourd’hui.
Et le mal ne réside pas, d’après professeur Mohamed Jaoua, dans les élèves, mais dans le système tunisien. «Nous avons un système d’excellence qui forme les élites et pour les autres on applique une version dégradée du même enseignement. Or, il faut autre chose, d’autres méthodes», analyse ce directeur-fondateur de l’IPEST et de l’Ecole Polytechnique de Tunisie entre 1991 et 1995, lors du Forum de l’ATUGE qui a traité lors de sa dernière édition du thème de l’«Education et de l’employabilité : comment nous préparer aux enjeux de demain ?»
Pour appuyer son appel à «former avec d’autres méthodes», cet universitaire met en avant «des exemples de jeunes virés (du système éducatif tunisien) et qui vont se former ailleurs et rentrent bardés de diplômes».Des exemples qui incitent Mohamed Jaoua à se demander si la réussite de ces jeunes est imputable à un éventuel changement qu’ils auraient subi. Sa réponse est non. Ils ont seulement «trouvé un système capable de les former».
Un avis que partage M. Ndiame Diop, l’économiste principal pour la Tunisie, représentant Résident de la Banque mondiale. Les Tunisiens –de l’analyste au chauffeur- travaillant pour la représentation de cette institution dans notre pays, «sont aussi performants que les employés du siège à Washington, parce qu’ils ont suivi –y compris le chauffeur- des sessions de formation continue», témoigne cet expert.
Mais «qui doivent être les acteurs de la formation pour que celle-ci soit plus en phase avec les besoins ?», s’interroge professeur Jaoua. «C’est la société tunisienne dans son ensemble qui doit construire ce système», répond Elyès Jouini, qui a modéré la séance d’ouverture du forum de l’ATUGE. Rappelant que «l’employabilité ne se décrète pas», le vice-président de l’Université Paris-Dauphine explique «qu’elle se construit avec des acteurs divers».