L’Etat allemand rachète au prix fort le schnaps de ses paysans

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à Saint-Maurice (Photo : Jean-Christophe Verhaegen)

[18/07/2010 09:55:22] BERLIN (AFP) L’Allemagne va pouvoir subventionner l’eau-de-vie de pomme de terre, de pomme et de poire de ses paysans quelques années encore, une spécificité de l’entre-deux-guerres qui lui coûte 80 millions d’euros par an.

Les ministres de l’Agriculture de l’Union européenne réunis lundi à Bruxelles n’ont pas soulevé d’objection majeure à la prolongation par l’Allemagne, pour la deuxième fois déjà, de son “monopole de l’eau-de-vie”.

Cette disposition remontant à 1918 permet aux producteurs d’écouler leur production auprès de l’Etat, ce qui revient à subventionner le secteur.

Au lieu d’expirer cette année, ce monopole soutenu par les politiques de tous bords sera donc vraisemblablement maintenu jusqu’en 2013 pour l’alcool de pomme de terre et céréales, jusqu’en 2017 pour l’eau-de-vie de pomme et de poire.

Le Parlement européen puis le Conseil doivent encore se prononcer sur le dossier, mais en l’absence de contestation des autres pays membres, “nous pouvons être un peu plus optimistes quant à l’avenir”, explique à l’AFP Gerald Erdrich, producteur à Karlsruhe (sud-ouest) et directeur général de la Fédération des distillateurs de fruits.

Ils sont environ 22.000 en Allemagne, souvent des exploitants agricoles qui s’assurent ainsi un revenu supplémentaire. Et qui se targuent de contribuer à la préservation d’un paysage particulier “avec des arbres hauts, espacés, qui abritent beaucoup d’oiseaux et d’insectes”. M. Erdrich est intarissable sur ces champs d’arbres fruitiers, caractéristiques des campagnes d’Allemagne du sud.

C’est aussi l’importance de ces prés-vergers qu’a fait valoir la ministre de l’Agriculture Ilse Aigner, elle-même Bavaroise, pour défendre la subvention allemande auprès de ses homologues européens.

Dans la pratique, une “administration du monopole de l’eau-de-vie” rachète à prix fixe quelque 60 millions de litres de gnôle par an aux exploitants.

Elle la purifie et la revend, à l’industrie cosmétique ou chimique par exemple. Une opération à perte parce que l’alcool produit en Allemagne, par des structures souvent petites voire artisanales, “ne peut pas être compétitif sur ce marché mondial très concurrentiel”, reconnaît M. Erdrich.

Un constat qui fait sortir de ses gonds Reiner Holznagel, président de la fédération des contribuables et pourfendeur de gaspillage d’argent public. “Cela ne peut pas être du ressort de l’Etat de racheter leur schnaps aux agriculteurs”, s’insurge-t-il. “Des subventions de ce type n’ont pas leur place au vu de la situation des caisses publiques”.

Alors que la crise a fait exploser les déficits, l’Allemagne est plutôt partie sur le chemin de la rigueur, avec un plan d’austérité de 80 milliards d’euros d’ici 2014.

Ses bouilleurs de cru doivent être épargnés encore un peu, mais s’inquiètent déjà de l’après-monopole.

Pour ceux de pommes de terre et de céréales, dont le monopole doit prendre fin en 2013, “l’eau-de-vie est un revenu certes d’appoint, mais stable, et essentiel pour leur survie”, explique à l’AFP Hans Karl Klindworth, qui représente les producteurs d’alcool de pommes de terre du centre de l’Allemagne.

Les 674 distilleries d’alcool de pommes de terre et de céréales du pays sont des coopératives, qui regroupent jusqu’à 20 producteurs chacune. Pour ceux-ci, “il va falloir trouver d’autres sources d’aide”, selon M. Klindworth.

Le gouvernement allemand a déjà mis en place un groupe de travail sur la question.