En Inde, la pauvreté hante le miracle économique de la 3e puissance d’Asie

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à Zarua, un village près de Lucknow, le 28 avril 2010 (Photo : Penny Macrae)

[18/07/2010 10:43:34] ZARUA (Inde) (AFP) Le nombre de millionnaires en Inde a progressé de 50% en un an, mais le miracle économique est bien loin du quotidien de Fida Hussein: “Nous n’avons rien, ni vêtements, ni meubles, seule une couette pour l’hiver”, dit-il devant son seul bien qui vient de brûler, sa cabane.

Fida Hussein est un paysan sans terre, il a 40 ans mais l’air d’en avoir beaucoup plus et vit avec sa femme et ses six enfants dans un village reculé de l’Uttar Pradesh (nord), l’un des Etats les plus pauvres de l’Inde.

Les flammes du réchaud d’une cuisine improvisée en plein air ont dévasté leur cabane grossièrement rapiécée avec des sacs en plastique. “Il ne sert à rien de pleurer, personne ne nous entend”, lâche-t-il tandis que ses enfants jouent dans une cour mal entretenue.

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à nourrir sa famille de six enfants, le 28 avril 2010 à Zarua, un village près de Lucknow, en Inde (Photo : Penny Macrae)

Selon une récente étude de Merrill Lynch Wealth Management, filiale de la Bank of America, et du groupe français de conseil Capgemini, le nombre de millionnaires (en dollars) en Inde a progressé l’an dernier de 50% (126.700), dans un pays où l’économie est en pleine expansion.

L’Inde a enregistré une croissance de 7,4% pour l’année budgétaire 2009-10.

Mais comme plus de 400 millions d’habitants sur une population de plus d’1,2 milliard, la famille Hussein n’a ni électricité ni eau courante.

En 1947, dans le discours scellant l’indépendance de l’Inde, le nouveau Premier ministre Jawaharlal Nehru avait appelé à la “fin de la pauvreté, de l’ignorance, des maladies et de l’inégalité”. Un long chemin est encore à parcourir pour atteindre ces objectifs.

En avril, la commission de planification, qui dépend du gouvernement, a relevé de 28% à 37% la part estimée de la population vivant sous le seuil de pauvreté (17 roupies par jour en milieu urbain, soit 36 centimes de dollars, et 12 roupies en milieu rural), soit environ 440 millions d’Indiens.

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étail devant une maison à Zarua, un village près de Lucknow, le 28 avril 2010 en Inde (Photo : Penny Macrae)

Selon un nouvel indice international sur la pauvreté, développé par l’université britannique d’Oxford qui prend en compte de nombreux critères de privations, il y a davantage de démunis dans huit Etats indiens que dans les 26 pays africains les plus pauvres.

“Il y a deux catégories qui augmentent en Inde: les très riches et les très pauvres”, résumait récemment M.J Akbar, le rédacteur en chef du quotidien The Sunday Guardian dans un éditorial.

Le gouvernement de centre-gauche dirigé par le parti du Congrès a été réélu l’an dernier sur son programme en faveur des pauvres, notamment en zone rurale.

Au cours de son premier mandat, il avait augmenté les dépenses de santé et d’éducation et avait créé le “National Rural Employment Guarantee Act”, une loi destinée à assurer 100 jours de travail par an à tout adulte vivant en zone rurale, avec un salaire minimum légal de 100 roupies par jour (2,1 dollars).

Mais Hussein n’a pas réussi à bénéficier de cette loi. D’autres travailleurs de la région se plaignent de n’avoir été employés que quelques jours par an.

Le gouvernement dépensera pour les pauvres au moins 250 milliards de dollars pendant les cinq prochaines années, mais un récent rapport du groupe d’investissement CLSA estime que plus de 100 milliards n’iront pas aux personnes concernées.

Selon la directrice pour l’Inde de Transparency International, Anupama Jha, la corruption sévit dans le gouvernement, le secteur privé, la police et la justice.

Au total 43,5% des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition, soit un taux pire qu’en Afrique sub-saharienne, et en recul de seulement 9% par rapport au début du “miracle économique” indien en 1991. Dans le même temps, le Produit intérieur brut par habitant a été multiplié par cinquante.

“On a l’air un peu stupide de s’autoproclamer grande puissance ou même Etat moderne progressiste lorsqu’on n’a pas fait les choses les plus élémentaires pour les populations défavorisées”, dénonce un expert politique, Ajoy Bose.