Tunisie : L’enseignement supérieur privé, un business comme un autre ?

esprit-320.jpgMettant en garde, comme M. Tahar Ben Lakhdhar, fondateur et président d’ESPRIT, contre la «mercantilisation de l’enseignement supérieur privé», M. Mondher Ben Ayed appelle à créer le statut de fondation en Tunisie. Pour pouvoir garder l’argent dans et à la disposition des universités afin d’en financer le développement.

L’enseignement supérieur privé existe en Tunisie depuis une bonne trentaine d’années. Mais malgré cette ancienneté, il n’a pas encore ses lettres de noblesse. Ses propres promoteurs continuent à se poser des questions sur leur place et rôle dans la société tunisienne. Des questions qui ont fait surface lors du récent Forum de l’ATUGE, notamment par la voix de M. Mondher Ben Ayed.  

Le président-directeur général de Tunisie Micro Informatique (T.M.I.) et actionnaire d’une  université privée –Time University– trouve, d’abord, «trop cruel» de dire que «l’enseignement supérieur privé en Tunisie est décevant». Car, estime ce diplômé d’une université américaine, «les établissements universitaires travaillent sur le très long terme». Si justement les universités américaines «sont aujourd’hui des références», elles n’ont pas commencé à ce niveau, puisque certaines d’entre elles ont plus de trois siècles d’histoire, souligne M. Mondher Ben Ayed.  

Or, en Tunisie «elles ont moins de dix ans et malgré cela, les parents se ruent aujourd’hui sur ces universités». Néanmoins, «il y a certainement des choses à revoir et c’est pour cela qu’il faut des structures de réflexion désintéressées dans chaque université», propose le patron de TMI.

Constatant qu’en Tunisie «nous voulons faire un enseignement de qualité pour 400.000 étudiants et avec des moyens limités», le conférencier estime la chose impossible. Et, selon lui, «plus le nombre d’étudiants augmentera, moins on aura de qualité». Car un enseignement supérieur de qualité coûte très cher.

Aux Etats-Unis, par exemple, une année d’études universitaires coûte 45.000 dollars, sans compter le coût de la vie et «cela ne représente que le tiers du coût réel», calcule M. Ben Ayed. Aussi, pour pouvoir jouer correctement leur rôle, les universités américaines s’adossent à des fondations. «C’est seulement avec le temps qu’elles sont devenues riches».

Sous d’autres cieux –France, Hong Kong, etc.- «l’argent n’est pas mis dans les universités par le privé mais par l’Etat».

Se pose alors la question du mode de financement de l’enseignement supérieur privé en Tunisie. Partageant l’inquiétude de M. Tahar Ben Lakhdhar, fondateur et président d’ESPRIT (Ecole Supérieure Privée d’Ingénierie et de Technologie), M. Mondher Ben Ayed affirme qu’«il sera très dangereux d’avoir un enseignement supérieur privé mercantile».

La solution serait de créer le statut de fondation en Tunisie «où auparavant le Wakf constituait un soutien au système éducatif». La création du statut de fondation permettrait de garder l’argent dans et à la disposition des universités afin d’en financer le développement. Ce qui, pour l’instant, n’est pas possible. «En tant qu’actionnaire d’une université, je reçois des dividendes. S’il y avait une fondation, je ne prendrais pas cet argent et je serais même prêt à en mettre davantage», se plaint le patron de TMI.