Des représentants de firmes françaises, anglaises, allemandes, espagnoles, italiennes, japonaises, américaines, sud-coréennes, canadiennes, se bousculent, ces temps-ci, aux aéroports de Tunisie, pour présenter, d’abord, aux responsables tunisiens, leur offre en matière de production d’énergies non–carbonées, et pour négocier, ensuite, des contrats. Zoom sur un marché qui promet.
Les résultats obtenus jusqu’ici sont assez encourageants. Les plus récents projets méritent d’être signalés. L’Organisation japonaise pour le développement des énergies nouvelles et des technologies industrielles (NEDO) s’est engagée pour créer en Tunisie un village écologique et un centre d’excellence international de promotion des énergies renouvelables au sein du technopole Borj Cedria. Ce centre, d’un coût total de 50 millions de dollars, aura pour principales composantes : un laboratoire d’analyses, deux stations de production d’énergie solaire.
Les Japonais ont décidé de mettre à la disposition de la Tunisie leur technologie et un don de 40 millions de dinars pour cofinancer la réalisation, à El Borma (sud de Tunisie), d’une centrale thermo- solaire pilote, d’une puissance de 5 mégawatts.
Les Britanniques sont également présents dans le solaire. La société britannique NUR Energie, et spécialisée dans le développement des projets solaires dans la région méditerranéenne, est implantée en Tunisie. L’objectif de Nur Energie, selon M. Kevin Sara, son directeur général, «est de développer de méga-centrales solaires dans le Sahara afin de produire de l’électricité avec une très faible empreinte carbone».
Clarke Energy Tunisie est une autre entreprise britannique qui a investi dans l’énergie propre. Elle a eu à installer, clé en main, sur le champ pétrolier de Waha (dans le sud), trois moteurs destinés à réduire les émissions liées aux torchères des champs pétroliers et à réalimenter électroniquement le site en substitution du groupe diesel. Ces moteurs sont opérationnels depuis novembre 2009.
Dans le domaine des énergies renouvelables, un moteur biogaz Clarke équipe, aujourd’hui, le site de méthanisation de la Société tunisienne des marchés de Gros (SOTUMAG) afin de valoriser les gaz produits par la décomposition des déchets verts.
Ubifrance Tunisie (l’équivalent du CEPEX en France) a évoqué dans sa dernière Lettre «La sélection de 3 ou 4 projets prioritaires avec participation ou fourniture française».
Les Américains, Espagnols et Allemands sont également présents sur le marché.
L’offre tunisienne
Il faut dire que le marché des énergies vertes est assez intéressant en Tunisie. Selon le XIIème Plan de développement 2010-2014, il s’agit de multiplier par cinq la part des énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie en 2014 et de produire environ 550 mégawatts de ce type d’énergies (éoliennes, gaz organique, énergie solaire concentrée, cogénération de l’énergie), de faire baisser l’indicateur d’efficacité énergétique en vue de le porter, à l’horizon 2014, à 275 kilogrammes équivalent pétrole pour chaque 1.000 dinars du PIB au prix constant contre 305 kilogrammes actuellement.
Il est également question de la mise en place de 350.000 mètres carrés de capteurs solaires supplémentaires au terme de 2014, de la construction de 70.000 bâtiments obéissant aux critères d’efficacité énergétique à la même échéance, outre l’abandon total, avant cette date, de la commercialisation des ampoules et pièces électriques non économes en énergie.
En accompagnement de ce marché, la Tunisie s’est assez bien préparée pour vendre au mieux son énergie solaire aux investisseurs étrangers. A cette fin, elle dispose, déjà, de son Plan solaire (PST). Ce plan intègre l’ensemble des domaines de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables.
D’un coût global de 3.600 MDT, ce plan est un ensemble de 40 projets complémentaires couvrant l’énergie solaire et éolienne, l’efficacité énergétique, l’autoproduction de l’électricité, l’interconnexion électrique, la fabrication de panneaux photovoltaïques et autres projets. Son financement est assuré à hauteur de 260 MDT par le Fonds national pour la maîtrise de l’énergie, de 800 MDT par le secteur public (dont 780 MDT à la charge de la STEG), 2.500 MDT par des fonds privés (dont 1.074 MDT pour des projets dont la production est destinée à l’export) et enfin, à hauteur de 40 MDT par la coopération internationale.
Le PST présente l’avantage d’être éligible à d’autres fonds spécialisés dans le financement des énergies non carbonées. Il s’agit du Fonds mondial pour l’Environnement (FEM) et le Fonds des Technologies Propres, géré par la Banque mondiale.
A ces ressources vont s’ajouter celles qui seront générées dans le cadre de la coopération avec des institutions allemande (GTZ), italienne (MEDREC), japonaise (JICA), l’Union Européenne et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
Au plan institutionnel, la Tunisie a créé la Société tunisienne des énergies renouvelables, retenue désormais comme le vis-à-vis de tous les promoteurs étrangers qui veulent s’implanter en Tunisie.
Toujours en amont, les autorités énergétiques tunisiennes ont lancé le projet «PROSOL Elec», projet de production d’électricité par l’énergie solaire photovoltaïque.
Ce projet cible les clients résidentiels de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG) souhaitant se doter d’installations solaires photovoltaïques pour couvrir partiellement leur besoin en électricité, moyennant des subventions, primes et autres facilités de la part de l’Etat et de la STEG.
Autre atout de la Tunisie. Le pays dispose d’une bonne infrastructure pour transporter dans de bonnes conditions de sécurité et de fiabilité l’Energie solaire concentrée (ESC), technologie d’énergie propre et peu polluante de l’environnement. Ainsi, Elmed, projet d’interconnexion visant à intégrer les réseaux électriques tunisien et italien, comporte, entre autres, une liaison en câble sous-marin d’une capacité de transit de 1.000 mégawatts. Il constitue un maillon stratégique pour les projets d’énergies renouvelables, notamment ceux inscrits dans le Plan solaire méditerranéen(PSM).
Des mécanismes de financement à portée du PST
Moralité : la Tunisie aura eu l’intelligence de se préparer au mieux pour tirer le meilleur profit des initiatives lancées au plan régional et des instruments de coopération qui lui sont proposés.
Parmi ces initiatives, il en existe trois euro-méditerranéennes : le Plan solaire méditerranéen, l’initiative du groupe allemand Désertec et celle de la France Transgreen. Ces trois initiatives complémentaires ont pour objectif de transformer la mer Méditerranée en un carrefour de l’énergie solaire et éolienne et d’importer, d’ici 2020, vers l’Europe, par le biais de câbles sous-marins, une partie de l’énergie solaire et éolienne produite sur la rive sud de la Grande Bleue.
Le projet Transgreen envisage de renforcer la liaison Maroc-UE (1.400 mw), de relier l’Algérie à l’Espagne et à la Sardaigne, la Tunisie et la Libye à l’Italie et l’Egypte à la Grèce.
Décryptage : d’importants investissements dans l’infrastructure sont prévus. Car, cet engouement pour les énergies vertes n’est pas un jeu de mode mais un enjeu de taille avec le changement climatique provoqué par les émissions de carbone dans l’atmosphère. Les régions sahariennes du sud de la Méditerrané, en recevant plus d’énergie en six heures ce que le monde consomme en une année, constituent des cadres idoines pour produire du solaire et de l’éolien.
De par son positionnement stratégique, la Tunisie, forte d’un Sahara qui fait la moitié du territoire et d’un littoral de plus de 1.300 km, est objectivement la mieux indiquée pour bénéficier de ce marché d’énergie verte.