Pour relancer la croissance en Tunisie, Mahmoud Ben Romdhane suggère, dans le cadre de l’étude «Tunisie 2040», menée sous la houlette de l’ACMACO, outre des «transformations institutionnelles», une accélération de l’intégration maghrébine avec notamment «une libéralisation totale des échanges de biens et de services –qui n’existe pas- et l’instauration de la liberté de mouvement des personnes –qui n’existe actuellement que pour les touristes».
Parmi les nombreux axes que l’étude stratégique «Tunisie 2040», menée depuis quelques mois par une équipe d’experts et d’universitaires, à l’initiative de l’ACMACO (Association Club Mohamed Ali de Culture Ouvrière), dirigée par M. Habib Guiza, celle du développement économique de la Tunisie et de celle de sa capacité à rattraper dans ce domaine certains pays développés, comme l’Espagne, occupe une place centrale. Chargé de cette question, Mahmoud Ben Romadhane a brossé, durant la 17ème université d’été de l’ACMACO (22-25 juillet 2010, Hôtel Phébus), consacrée à la présentation des premiers résultats de la phase prospective de l’étude (ceux de la phase rétrospective l’ont été en février dernier), a rappelé, d’abord, que «le travail n’a pas encore été fait», et qu’il y avait «une problématique et une démarche». Mais cela n’a pas empêché l’économiste d’apporter des éléments de réponses.
Pour la Tunisie, la problématique se résume selon Mahmoud Ben Romdhane en quelques mots : «comment parvenir à l’étape du bien-être?». Notre pays s’étant fixé comme objectif d’arriver «au même niveau» de richesse que l’Espagne, il lui faut «multiplier sa production par quatre, porter la croissance du PIB par actif à 4,7%», calcule Mahmoud Ben Romdhane. Or, rappelle le conférencier, «nous n’avons atteint ce niveau que dans les années 70. Depuis vingt ans, notre taux de croissance du PIB par actif est de +2%. Et il est possible qu’il ne soit plus que de 1% à l’avenir».
Conclusion : à ce rythme-là, la Tunisie pourrait ne pas rattraper l’Espagne –«c’est possible mais très difficile»- et «ne ferait que la moitié de ce que cette dernière a réalisé». Car, «en Tunisie, il y a une érosion du rythme de la croissance». A quoi est-il dû? Mahmoud Ben Romdhane l’impute, d’abord, au ralentissement de l’investissement, privé en particulier». Le «taux moyen d’investissement –l’investissement rapporté au PIB- était de près de 25%». Il se situerait aujourd’hui dans la fourchette 21-23%.
Deuxième cause de ce mal, le niveau technologique. Selon Mahmoud Ben Romdhane, «la Tunisie se situe dans ce domaine en queue de peloton mondial –dernière le Maroc- en termes de contenu technologique de sa production et de ses exportations.
Le troisième facteur à l’origine, selon le conférencier, de l’érosion du rythme de la croissance, a trait au capital humain. Il s’agit de «la qualité catastrophique des acquis des élèves, malgré les dépenses considérables de l’Etat» dans le domaine éducatif. Comment redresser la barre ?
Outre des «transformations institutionnelles» -dont l’importance a été démontrée, selon lui par diverses études internationales, dont une des plus récentes de la Banque mondiale et intitulée «From privilege to competition –unlock private led growth in the Middle East and North Africa» (du privilège à la compétition –déverrouiller la croissance tirée par le privé au Moyen-Orient et en Afrique du Nord)-, Mahmoud Ben Romdhane croit nécessaire une accélération de l’intégration maghrébine avec notamment «une libéralisation totale des échanges de biens et de services –qui n’existe pas- et l’instauration de la liberté de mouvement des personnes –qui n’existe actuellement que pour les touristes».