Malgré son importance pour l’économie tunisienne, le Programme national de mise à niveau, qui a débuté en 1995, et a nécessité des milliers de millions de dinars, n’a pas fait l’objet d’une loi-cadre. A ce titre, aucun texte législatif ou réglementaire n’a défini la notion de mise à niveau !
L’article 37 de la loi de finances pour la gestion 1995 -qui est un article orphelin- n’a défini que la mission du Fonds de développement de la compétitivité industrielle (FODEC) !
Le terme «mise à niveau» est apparu pour la première fois dans l’article 15 du décret n°95-917 du 22 mai 1995 portant organisation du ministère de l’Industrie. Il est apparu la deuxième fois dans le décret n°95-2495 du 18 décembre 1995 fixant l’organisation et les modalités de fonctionnement ainsi que les modes d’intervention du Fonds de développement de la compétitivité industrielle.
Le lecteur de ces textes peut conclure aisément que la mise à niveau a été réduite à l’obtention de subventions financières tant qu’elle n’a pas été définie d’une manière scientifique par référence à des normes et standards de développement reconnus dans les pays développés !
Le programme de mise à niveau (PMN) a visé l’industrie et accessoirement les services liés à l’industrie. Depuis, les services liés à l’industrie n’ont pas été définis dans le cadre d’un texte réglementaire notamment en l’absence d’une nomenclature nationale jusqu’à ce jour et tant que la majorité de ces services n’a besoin que d’un texte législatif organisant la profession, elle a été implicitement exclue du programme de mise à niveau qui ne vise que l’octroi des subventions et dons et non pas l’organisation des professions à caractère intellectuel par référence, à titre d’exemple, à ce qui a été prévu dans le cadre de la Directive européenne du 12 décembre 2006 relative aux activités de services dont les membres de l’Union sont astreints d’harmoniser leur droit professionnel avec ses dispositions dans un délai ne dépassant pas le 31 décembre 2009 au moment où notre Conseil national des services n’a rien produit depuis sa création en juin 2006 jusqu’à ce jour !!!
Le Conseil n’a pas joué son rôle
La notion «mise à niveau» est apparue, sans définition, la troisième fois au niveau du décret n°2009-417 du 16 février 2009 portant création du Conseil national des services et fixant ses attributions et les modalités de son fonctionnement et d’une unité de gestion par objectifs chargée du secrétariat du conseil et de la réalisation du programme de mise à niveau.
Le Conseil national des services dont la création a été vivement réclamée par la Chambre nationale des conseils fiscaux, notamment lors de la Consultation nationale sur les services qui a eu lieu le 19 avril 2005 au sein du Centre de promotion des exportations a vu le jour avec la parution du décret n°2006-1826 du 26 juin 2006 portant création du Conseil national des services et fixant ses attributions et les modalités de son fonctionnement.
En vertu de l’article premier du décret sus indiqué, le conseil est chargé, notamment, de suivre la situation du secteur des services et les mutations internes et externes, de participer à la préparation des orientations de la politique nationale en matière de promotion du secteur des services et sa libéralisation et le développement de ses exportations et de proposer les réformes et procédures susceptibles de promouvoir les différentes branches du secteur y compris le développement du cadre législatif et réglementaire.
Depuis sa création, le conseil n’a pas joué son rôle. En matière de libéralisation, le conseil a refusé, implicitement, de prendre en considération les requêtes déposées par les professionnels lésés par la libéralisation sauvage et arbitraire du secteur occasionnée par le décret n°94-492 du 28 février 1994 portant liste des activités régies par le Code d’incitation aux investissements qui a développé le phénomène d’importation du chômage. A ce titre, certains nationaux et étrangers profitent des termes vagues et ambigus de ce décret (audit administratif, économique, juridique, social et technique) pour exercer de façon illégale des activités réglementées (conseil fiscal, avocat, comptable, agent immobilier, commissionnaire en douane, agent de publicité et autres), pratiquer la fraude fiscale, avoir uniquement la résidence, détourner les dispositions du décret loi n°61-14 relatif à l’exercice du commerce par les étrangers (activité de placement et d’intérim), pratiquer le démarchage financier (scandale du néerlandais qui escroqué les tunisiens ) et autres.
En outre, ce décret, qui n’a pas tenu compte de l’état de marginalisation et de non réglementation de la majorité des activités de service, a libéralisé, sans respect au moins du principe de réciprocité et de façon unilatérale et sauvage, la majorité des activités de service visée par l’Accord général sur le commerce des services (GATS) au sein de l’Organisation mondiale du commerce (urbaniste, architecte d’intérieur, informaticien, conseil en marketing, conseil en gestion, sondages et enquêtes, conseil financier, audit social, études et conseil, conseil juridique, paysagiste, services de certification…).
Une libéralisation sauvage
Le pire c’est que certaines parties, vivant apparemment hors de Tunisie, continuent à inviter nos structures professionnelles à des “réunions de validation” pour nous demander nos propositions quant aux négociations portant sur la libéralisation des activités de service à Bruxelles et à Genève au moment où la libéralisation sauvage occasionnée par la mauvaise rédaction du décret n°94-492 a causé des dégâts sans précédent à nos professions et au marché de l’emploi.
Le Conseil n’a fourni aucun effort en matière de mise à niveau des activités de service, notamment à caractère intellectuel par référence aux standards internationaux comme il a été prévu dans le décret qui l’a créé. Les requêtes déposées à ce titre par les structures professionnelles des conseils fiscaux n’ont reçu aucune suite bien qu’elles visent la mise à niveau de la profession par référence aux règles arrêtées par la Confédération fiscale européenne regroupant plus de 180 mille conseils fiscaux provenant de 24 pays européens ainsi que la Directive européenne relative aux services du 12 décembre 2006 dont notre pays est appelé à harmoniser sa législation professionnelle avec ses dispositions en application de ses engagements dans le cadre de la politique européenne de voisinage !
En matière de développement du cadre législatif et réglementaire, le Conseil n’a pas œuvré en faveur de la refonte des textes sous développés comme c’est le cas, à titre d’exemple, de la loi n°60-34 du 14 décembre 1960 relative à l’agrément des Conseils fiscaux ou des cahiers des charges “sans charges” dont la majorité est entachée d’illégalité au regard de l’article 3 du décret n°93-982 régissant la relation entre l’administration et le citoyen et qui ne prennent pas en considération les exigences unanimement reconnues par les législations professionnelles au sein des pays développés (diplôme de spécialisation, stage, discipline, tableau, carte professionnelle, contrôle de la qualité, formation continue…), notamment la Directive européenne relative aux services du 12 décembre 2006. La simplification des procédures administratives qui a motivé la mise en place des cahiers des charges n’a rien à avoir avec le désordre organisé et la marginalisation occasionnés par ces cahiers qui ont contribué au sous développement des professions et ont donné, certainement, un avantage plus que concurrentiel aux étrangers qui se sont établis sans respect du principe de réciprocité.
L’effort et le temps gaspillés dans l’opération de remplacement des autorisations administratives (agréments) par des cahiers des charges auraient pu permettre la mise à niveau des activités de service à caractère intellectuel sur des bases scientifiques.
Ceci prouve aisément que le Conseil n’a pas rempli son rôle consistant, entre autres, selon le décret qui l’a créé, à suivre la situation du secteur des services et les mutations internes et externes et proposer les réformes nécessaires !!!
Représentants marginalisés
Nos représentants au sein du Conseil ont été marginalisés du fait que leurs propositions ont été ignorées bien qu’elles soient basées sur une démarche scientifique consistant à faire un diagnostic de la situation et à adopter les solutions adéquates par référence aux standards internationaux. Leur demande relative à la création de commissions notamment en matière de libéralisation et de concurrence et consommation pour trouver des solutions à la libéralisation sauvage et à la concurrence illégale et illicite en pleine expansion dans le domaine des services n’a pas été satisfaite sachant que les autres commissions créées ont été présidées par l’administration et n’ont rien produit.
Les professions juridiques ne sont pas représentées au sein du Conseil malgré leur importance; alors que le ministère chargé du suivi de ces professions est représenté.
Certains membres du Conseil appartenant à différentes administrations ne fournissent aucun effort pour la réalisation de l’objet du Conseil bien qu’ils sont en parfaite connaissance de la situation de marginalisation des professions de service du fait qu’ils sont dépositaires de leurs requêtes auxquelles leurs administrations ne donnent aucune suite en violation du décret n°93-982 régissant la relation entre l’administration et le citoyen. A ce titre, la profession de Conseil fiscal ou d’architecte d’intérieur n’est qu’une petite illustration.
Ce constat a été confirmé par l’abrogation du décret n°2006-1826 qui a créé le conseil et la publication du décret n°2009-417 du 16 février 2009 portant création du Conseil national des services et fixant ses attributions et les modalités de son fonctionnement et d’une unité de gestion par objectifs chargée du secrétariat du conseil et de la réalisation du programme de mise à niveau des services.
Le nouveau texte a prévu trois sous-commissions pour étudier les questions relatives à la mise à niveau du secteur des services, au développement de ses exportations et au suivi de la reconnaissance mutuelle des diplômes et qualifications. Il a créé une unité de gestion par objectifs chargée du secrétariat du Conseil national des services et de la gestion et de la réalisation du programme de mise à niveau des secteurs des services n’ayant pas de programmes spécifiques de mise à niveau.
Les nouvelles dispositions prévoient la soumission au Premier ministre d’un rapport annuel portant sur les activités de l’unité de gestion notamment en ce qui concerne les ressources utilisées et les résultats atteints par rapport aux objectifs.
Cependant, ces dispositions n’ont pas comblé les déficits ayant trait à l’absence de définition du terme «mise à niveau», à la procédure de réunion du conseil monopolisé par l’administration, à la composition du conseil, aux modalités de saisine du conseil par les professions marginalisées, au rôle donné aux professionnels au sein du Conseil qui est actuellement marginal, à l’indépendance du conseil, à la publication d’un rapport annuel sur les travaux du conseil, aux possibilités de recours des professions privées de la mise à niveau (conseil fiscal à titre d’exemple) et au référentiel à adopter lors de la mise à niveau des activités de service sachant que le nouveau texte a supprimé, pour des raisons non justifiées, la conformité aux standards internationaux généralement admis pour chaque activité qui a été prévue dans le cadre du décret n° 2006-1826 qui a créé le Conseil national des services.
Enfin, est-il concevable de mettre à niveau l’industrie avec des professions de service marginalisées et non mises à niveau eu égard à l’importance de l’élément immatériel (études, conseil, formation…) ? Est-il concevable de ne pas prévoir une loi-cadre rendant la mise à niveau obligatoire pour tous et un système d’évaluation du programme de mise à niveau eu égard aux sommes colossales qui ont été dépensées à ce titre ? Faut-il faire appel à des cabinets étrangers d’études pour nous réaliser des études bidon comme le suggèrent certains au moment où nous sommes capables de leur donner des leçons dans le domaine du droit professionnel et où nous devons protéger nos ressources ? Est-il concevable de permettre à des professionnels de la comptabilité de réaliser des études de mise à niveau dans un domaine qui n’a aucun lien avec la comptabilité que certains veulent nous faire comprendre qu’elle est la science des sciences et qu’elle est capable de résoudre tous les problèmes du monde notamment la crise financière et les faux bilans certifiés sans réserves des banques en faillite aux Etats-Unis et en Europe ? Est-il concevable de ne pas responsabiliser ceux qui bloquent la mise à niveau de plusieurs professions comme c’est le cas pour la profession de Conseil fiscal au détriment de tous, notamment les chômeurs parmi les titulaires de maîtrises et de master en fiscalité ? Faut-il mettre à niveau le programme de mise à niveau pour pouvoir atteindre les objectifs de développement visés d’une manière implicite au niveau des textes ?